NOVEMBRE 1901 édulcoraient leur manière, il a plutôt accentué, parfois méme encanaillé quelque peu la sienne, pour la plus grande affirmation du caractère et de l’énergie locale, mais sans jamais tomber dans les sombres facilités du mélodrame. En bon Espagnol, il ne redoute point la nature, voire le naturalisme. Mais, comme tous les jeunes qui parviennent maintenant à la conscience artistique, il sait que la photographie n’est plus l’idéal et que l’ceuvre d’art n’est pas une chambre obscure : la nature propose et l’art dis-pose, avons-nous répété maintes fois devant les efforts nouveaux pour exprimer plus poétique. ment la prose de la vie; le réalisme est désormais condamné s’il ne recourt à la psychologie, c’est.à-dire à telle harmonie préméditée de couleurs et de contours, puisqu’en peinture il n’y a que des surfaces. Et l’impression trop brève a fait place à l’expression. En bon Catalan, ce jeune naturiste observe ce qui l’entoure et l’émeut. Il n’ira point cher. cher midi à quatorze heures. Le Don Quichotte de Daumier, satire plastique, ne le met point en goût d’aventures au pays de Cervantès. Barcelonais, Ramon Pichot reste à Barcelone. Il veut oublier les grands ancêtres pour ne regarder que son en-tourage. Il ne convoite ni la capricieuse magie d’un Goya, ni la fantaisie déchiquetée d’un Gustave Doré. La mo-dernité le hante. S’il a d’abord subi l’empreinte de quelque rude initiateur, parmi les in-fluences cosmopolites et com-posites de l’art moderne, si touffu, = c’est évidemment celle de Degas, le mysté-rieux satirique de la forme: témoin ces femmes dans un Intérieur aux accords de vert et de carmin. Mais le dehors l’attire plus que l’intimité, même ori-ginale. Ce qu’il peindra de préférence, ce n’est pas une Espagne rétrospective de drame et de rêve, mais l’Es-pagne contemporaine, fami-lière, agissante, et, pour ainsi dire, quotidienne, qu’il voit, 1,01 qu’il entend, qu’il coudoie: décor toujours changeant et :5:105 vicuur qui n’en est pas moins pittoresque. L’Es-pagne, comme la Bretagne, n’offre-t-elle pas le privilège de conserver plus longtemps la saveur locale de ses costumes et de ses moeurs, en cette marée montante d’uniforme et confortable ennui ? L’Espagne est une palette toute chargée pour les yeux d’un peintre. Il n’a qu’a choisir, à concentrer, pour faire oeuvre d’art. Son milieu collabore avec son ardeur. Dans son atelier, des rayons voisins se réverbèrent. Qu’il ouvre sa fenêtre, de tièdes bouffées montent de la ruelle étroite. Qu’il sorte, et la rue le prend, la joie, toute latine, du de-hors, de la vie mouvante en plein ciel, de la rue blonde, de la place étincelante, où, comme on chante au corps de garde de Carmen, chacun vient et chacun passe… C’est l’Espagne immua-blement populaire et grouillante, le faubourg ensoleillé des Gitanes, le peuple fier et nerveux; c’est l’austérité des lignes dans une féerie de lumière, avec l’accent local des profils catalans et de permanents aspects d’opéra-comique. C’est la Catalogne lumineuse et mystérieuse, dans le kaléidoscope troublant des jours et des if flet 71i 73 1,.■1■11 10 FIND ART DOC