L’ART DÉCORATIF on ne saurait demander à Pierre Roche de s’astreindre aux règles étroites, aux procédés consacrés. L’art, à son avis, peur tout traduire à condition de varier ses manifestations. C’est donc dans un but bien défini que le même ar-tiste qui, dans ses gypsographies, se contente de reliefs imperceptibles, a accusé fortement le corps même de la Lofe Fuller, afin de pouvoir disposer à son gré des saillies du métal dont l’éclat va mourir selon la loi des vibrations lu-mineuses. Henry Nocq, le délicat artiste qui a eu une si large part dans la rénovation du bijou, s’est affirmé à la fois sculpteur, médailleur et ouvrier d’art. Esprit judicieux et réfléchi, il semblait réu-nir toutes les qualités exigées pour réussir dans l’art qui nous occupe. Les nécessités de la vie en ont décidé autrement et il n’a pu signer jusqu’ici qu’un nombre restreint de mé-dailles et de plaquettes. Mais ce sont des oeuvres parfaites. Nous n’en voulons pour preuve que la Diane qui décore la médaille de la société ë Le Fusil de Chasse u et la série de médaillons que l’on a pu voir aux derniers Salons. Très poussés, ils dénotent en Henry Nocq un observateur avisé. Il suffit de citer les portraits de E. Molinier, de E. Carrière et la série d’effigies de membres de l’Académie des Goncourt. Et ces effigies caractéristiques me font penser à un autre sculpteur-médailleur, M. Han. naux, qui en a également signé de parfaites et d’un haut caractère. La plaquette si vivante, si noble dans sa vérité, de M. Henner et celle de l’évèque Dupont des Loges, qui semble inspirée par la statuaire de la cathédrale de Reims, peuvent être placées parmi les plus belles oeuvres du temps présent. Que d’autres sculpteurs sont encore en co-quetterie avec la médaille! M. Gilbault, qui a signé de si beaux portraits, Gardét à qui l’on doit des plaquettes d’une distinction extrême, M Peter à qui incombe la tâche de commé-morer par la médaille les monuments élevés par d’autres sculpteurs à la gloire d’une idée ou d’un homme et qui fait oeuvre personnelle dans des médaillons aussi parfaits que celui d’Émile Marchon N’oublions pas M. Hingre, un observateur ingénu et ingénieux de l’animal, dont il sait tirer dn parti heureux dans mainte plaquette décorative. Quoique M. Vallgren soit d’origine fin-noise, il y a trop longtemps qu’il habite la France et qu’il traduit avec un goût extrême en d’exquises statuettes le charme de ses femmes, de ses filles des champs pour qu’il y ait scrupule à le considérer comme nôtre. Nous placerons donc ici son unique incursion dans le domaine de la médaille. L’oeuvre est, au reste, charmante, pleine de sentiment, et symbo-lise avec infiniment de grâce la gloire d’un fils illustre de la Finlande, cette petite Grèce po-laire, où l’art est en si belle floraison. (A suivre.). CHAR LES SAUNIER. UN ARTISTE BARCELONAIS RAMON PICHOT Oue d’Espagnols! u Seul mot proféré par Courbet traversant l’exposition de Manet, son confrère, avenue de l’Alma, vis-à-vis de l’Expo-sition Universelle, en 1867: toréadors et cor-ridas avaient accaparé ses yeux… Depuis trois ans, le salonnier reprend l’ex-clamation pour son compte, mais en transposant la nuance de blâme en éloge, en appliquant le mot moins aux sujets qu’aux peintres eux-mêmes. Que d’Espagnols, en effet, à nos deux Salons, partout, depuis trois ans! Remarque qui s’impose et que nous avons plusieurs fois consignée. Dès le 15 juin t899, dans la Revue des Revues, nous écrivions : e L’Italie se dérobe . , mais l’Espagne allume quelques regards de peintres qui reviennent à Velasquez, à Goya, Pa( Manet : si le Midi chante, avec Sorolla, sur les plages blondes, la mantille noire caractérise étrangement les Portraits groupés par Zuloaga, sur fond triste. . Revanche latine, non plus du style italien qui ranime les dieux au seuil des Méditerranéen heureuses, mais de la sève méri-dionale, plus brûlante, qui redresse la réalité contre les énigmes d’lbsen et les néants de Whistler, contre le mystère et contre la nuit, contre tout ce qui se renferme, s’estompe et murmure c’est le vérisme en peinture, ana-logue au mascagnisme cuivré de Cavalerie rusticana, de la musique à coups de poing qui se prolonge en galvanisant la réaliste élégie des Vies de Bohème’…» Longtemps, en effet, le Nord a semblé I V. nos Salons vie l’Artiste (1898 et 1899) et de la Nouvelle Revue (mai-juin 1900). 70