L’ART DÉCORATIF N’ALEGRE, BRETONNE DE PONT-L’ABBÉ des calices d’arums. Les chenêts seuls, sur-montés de soleils morts, doivent moins à la logique qu’au pittoresque. Mais cette cheminée si sobrement conçue, si résolument dépouillée, ne donne pas la note ordi-naire de M. Vallgren. Il reste le sculpteur-poète des statuettes frêles et précieuses, des menus objets où siègent les troublants génies domes-tiques. Il reste l’inventeur des admirables pa-tines, vertes, violettes, fauves, dorées, couleur de miel et couleur d’ambre, dues aux morsures des acides, aux brusques baisers des flammes : profondes, mystérieuses oxydations qui sem-blent faire du bibelot une chose longtemps en-fouie, rongée et teinte par tous les sels, par tous les ferments du sol. Il reste le vibrant modeleur de l’inquiétude et des tristes rêves. Je l’ai dit, sa grâce est pleine de séductions. Elle nous touche aux fibres délicates du coeur. Elle nous offre, avec la plus fraîche naïveté, une saveur de pays lointain. Par essence, elle est inimi-table. Aussi les gens qui veulent la copier n’en donnent-ils qu’une grimaçante caricature. Les créations si personnelles de M Vallgren ont suscité l’invasion des statuettes bizarres, fausse-ment hiératiques, des gnômes symbolistes et des pimbêches décadentes dont je parlais en commençant. Mais cette escorte ridicule ne mi-rait faire tort au maître. Un maître unique, en vérité, digne de toute notre ferveur, qui a su développer merveilleusement son originalité native et, comme le poète des Fleurs du Mal doter l’art d’un a frisson nouveau s. ALBERT THOMAS. 54 UN RESTAURANT ALLEMAND A PARIS Tous rappelez-vous le restaurant allemand V de l’Exposition? Peut-être non. Tout passe vite à Paris ; et qu’elle est déjà loin, l’Exposition ! Les squelettes de fer de ce qui fut ses monuments sont encore debout, et des fée-ries de la ville blanche il reste à peine en nous une image confuse, entrevue à travers les brouillards de l’oubli. Le restaurant allemand fut la grande vogue, le lieu « select » de l’Exposition. Le monde l’avait adopté. Il était de bon ton de s’y rendre en compagnie nombreuse; on faisait retenir sa table la veille ou l’avant-veille, on venait tard, on dînait et l’on prolongeait le repas le plus possible, pour n’arriver aux parades de la rue de Paris qu’après l’écoulement de la cohue. Dans cette vogue d’un jour, on a vu le point de départ d’une entreprise durable. Le direc-teur du restaurant allemand de l’Exposition, M. Konss, — propriétaire d’un des grands hôtels de Berlin et fort habile homme en son métier —a refait au coeur de Paris ce qui lui avait si bien réussi au quai d’Orsay devenu Cosmopolis. Calcul hardi ; mais en affaires, pas de succès sans audace. Au restaurant de l’Exposition, quelle que fût l’excellence de la cuisine et des vins, l’attrac-tion était surtout celle des salons. M. Bruno Môhring, l’architecte berlinois, avait fait de ceux-ci un milieu curieux, un spécimen du nou-FIND ART DOC