L’ART DECORATIF tardé à prononcer cette épithète, bien qu’elle s’applique à toute une partie de ]’oeuvre de M. Vallgren. Elle donne lieu, en effet, à des interprétations três différentes. L’artiste finlandais, on ne saurait le nier, possède un sens fort original du décor, mais sa conception parait un peu étrangère à notre esprit national. A plusieurs reprises et dernièrement encore, parlant des objets d’art aux Salons, j’ai dit quelles semblent devoir être, chez nous, les lois à res-pecter dans l’embellissement de l’objet : préoc-cupation constante de son utilité, soumission à sa forme normale, à son architecture propre, subordination de sa parure à sa fonction. Cette théorie s’appuie sur la raison, correspond au besoin de logique qui est en nous. Absolument, elle aboutit au pur schéma, à l’élégance géomé-trique. J’ai cru montrer, par l’exemple de Jean Baffier, de Dampt, du charmant potier d’étain Louis Boucher, qu’elle s’accommode, dans la LE SECRET 5a pratique, avec la richesse, la fantaisie et la grâce. Je conviens toutefois qu’elle puisse gêner certains tempéraments n’ayant pas reçu, avec la naissance, la discipline latine. Chez M. Vall-gren, les facultés imaginatives l’emportent sur le raisonnement. Sa conception du décor, comme il fallait s’y attendre, est presque uniquement intellectuelle et sensible. Mais elle procède d’un esprit si fertile et si fin, d’un coeur si naïvement frissonnant et si « vrai » que, malgré son étran-geté, elle ne manque jamais de séduire. Pour moi, lorsque je relègue « mes principes s, lorsque j’abandonne ma marotte du « clair génie fran-çais s, j’y trouve un plaisir infini. Le sculpteur scandinave, qui peuple la de-meure des formes plaintives de sa pensée, veut dégager une âme du moindre objet usuel. Chaque chose s’accompagne d’une petite figure, parfois joyeuse, souvent mélancolique, son esprit, sa divinité familière. Des femmes en-lacent de leurs bras minces les flancs et le col des vases, baissent la tète, semblent pleurer les bouquets qu’on y voit défaillir. Les coupes, ver-seuses de rêve et d’oubli, sont des fleurs de né-nuphar où s’accoudent des nymphes somno-lentes. lin miroir, entouré de corolles, montre, à son revers, une fillette, les mains ouvertes, dans une attitude de coquetterie candide. Des trois pièces d’un surtout, roses de Noél large-ment épanouies, s’élèvent trois délicats sym-boles humains : l’adolescence curieuse, le tendre et frémissant amour, la maternité prévoyante. Dans l’armature un peu grêle d’un lustre, de-bout sur des fleurs de a soleils dont chacune recèle une ampoule électrique, cinq silhouettes féminines s’érigent avec des gestes ingénus. Sur la robe de cette jeune princesse aux yeux mystérieux, des lampes à incandescence viennent à briller soudain, et l’enfant marche dans la clarté. Son goût singulier pour la tristesse et le deuil a inspiré à M. Vallgren des oeuvres ad. mirables, des urnes cinéraires qui contiennent l’infini de la douleur. L’une d’elles est promise au Luxembourg. Au flanc du vase de fer, les deux figures longues, aux ailes repliées, coulées dans le même métal, sombre, rude, inexorable, gardent bien le secret de la mort. Mais la plus curieuse invention décorative du sculpteur, c’est une garniture de porte : marteau, serrure avec clef et gonds, exposée, je crois, au Champ de Mars, en 1894. Il y a là toute la poésie, toute la psychologie des portes, de ces ais faibles ou résistants, neufs ou vermoulus, derrière lesquels FIND ART DOC