FIERTE’ N° 38 – NOVEMBRE 1901 VALLG R EN Cij’ai manifesté souvent mon peu de goût pour le sym-bolisme en sculpture, affirmé mon désir d’un artsimple, précis et de beauté pres-que exclusivement formelle, je n’éprouve aucun embarras à parler aujourd’hui de M. Vallgren. Sans doute je combattrai encore, en toute cir-constance, un mou-vement dont il fut l’inconscient promo. Leur, je m’élèverai contre ceux qui pré-tendent l’imiter et qui, par leurs imagi-nations laborieuses et leur sèche litté-rature, risqueraient de compromettre notre clair génie fran-çais. Mais je louerai bien volontiers son rare et délicieux talent. Je le proclamerai original, intensivement individuel, unique. Je demanderai qu’il demeure unique aussi ; puisque, par un troublant privilège, ce qui, chez tout autre, semblerait artifice et manière apparaît chez lui candeur, grâce ingénue, sincérité profonde. Vraiment, devant cette foule de statuettes qui envahit nos intérieurs modernes, devant tant de figures malingres, grimaçantes, convul-sées et fatales, se campant sur les étagères, étreignant les sonnettes, les vide-poches, les salières, les baguiers, s’agrippant aux plaques des serrures, aux appliques, aux consoles, aux miroirs, n’avez-vous pas, comme moi, éprouvé quelque irritation? Ne vous a-t-il pas semblé qu’une horde de gnômes malfaisants vous rendit chaque demeure hostile, vous gâtât le sourire familier et l’âme instinctive des choses? Vous avez maudit la mode agaçante qui inspirait ces fantaisies. Elles-mêmes, au premier abord, les 45 images de M. Vallgren vous ont donné de l’in-quiétude, fait craindre un parti pris et, pour tout dire, une «pose». Bien vite d’ailleurs vous avez été rassuré, vous vous êtes livré naïve-ment au charme de ces œuvres. Croyant ren-contrer un impuissant encore, vous veniez de découvrir un homme. Personne, en effet, n’estplus naturellement, plus ingénument lui-même que M. Vallgren. Dans chacune des statuettes précieuses qu’il cisèle et recouvre de délicates patines, il se ré-vèle tout entier, il met sa pensée d’homme du Nord, à la fois réfléchie et candide, les aspira. tions et les rêves de sa race. Il est né à Borgâ, en Finlande, et la Finlande l’a marqué pour la vie. Une nature rude, violente, aux rares et LES PLEURS