L’ART DÉCORATIF CHRONIQUE POUR La stresse de nos industries d’art. — Il n’est pas de sujet plus actuel en France, ni plus navrant, hélas ! que celui que M. Marius Vachon traite dans le livre qu’il vient de publier sous ce titre. M. Va-chus a été chargé, de 1881 à 1889, de six missions officielles pour étudier en Europe l’organi- sation des institutions publiques, écoles, musées, associations, etc., créées en vue du développement des industries d’art. Chargé de nouveau, en 1896, par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts de procéderà une enquête sur la situation des principales industries d’art françaises et sur les moyens d’instruction dont disposent les ouvriers qui les exercent, il visita pendant un an les grands centres d’industries d’art de la France, se renseignant auprès des municipalités, des chambres de commerce, des chambres syndi-cales patronales et ouvrières, des industriels, etc. C’est le résumé des résultats de ces missions e France et à. l’étranger qu’après ses rapports offi-n ciels, il fait aujourd’hui connaitre au public. Ces résultats sont une triste leçon pour la France. Nos industries d’art, dit M. Vachon, sont attaquées sur tous les points par la concurrence étrangère, qui n’a fait que grandir et se fortifier, dans une préparation constante et méthodique, à une guerre qu’elle mène avec la précision scienti-fique, la sûreté, et la rapidité d’évolution, que donnent un personnel et un outillage portés au plus haut degré de la perfection. « La valeur des importations en France d’objets fabriqués a été, en 1898, de 3 pour soc plus élevée qu’en 1897 : 627.38r .000 francs (1898) contre 6o8.48s.000 francs (1897). D’autre part, l’exportation des produits fabriqués français est restée inférieure ‘d’un peu plus de 3 pour leo : 1.770.386.mm francs (1898; contre 1.776.764.000 francs (1897). Et, de l’analyse de ces statistiques comparées, il sort une double démonstration : r la baisse incessante de l’exportation de la plupart de nos industries d’art, même de celles qui, par leur réputation séculaire de haut goût artistique et de perfection technique, semblaient n’avoir à redouter aucune concurrence étrangère, et cloraient maintenir fermement, avec éclat, la gloire du pays ; et r l’augmentation pro-gressive, parallèle, de l’importation des industries similaires de l’étranger. « Au cours de l’enquête que j’ai faite, . 1896-97, dans les départements, j’ai constaté sur un grand nombre de points, dans des centres très populeux, la décadence, et saurent la disparition d’Industries artistiques qui les avaient rendus prospères : la céramique, les vitraux, l’orfèvrerie, la bijouterie, l’ébénisterie, les dentelles, les broderies, les tissus d’art, le fer forgé, etc. « Les grands magasins et les bazars sont ali-mentés par des produits de toutes provenances extérieures, surtout de l’Allemagne, au détriment des usines et dos ateliers locaux, qui ont de la peine à vivre, et, pour cette raison, se font entre eux une concurrence acharnée de bas prix, les conduisant, fatalement, à la ruine. Et, cette importation n’est plus ce qu’elle était autrefois, clandestine, honteuse, dissimulée dans la vente par les intermédiaires et par les négociants ; l’étranger affiche fièrement sa marchandise sous son pardon. Dans les quartiers de Paris quiavoisinent l’Opéra, on ne compte plus les magasins anglais vt américains, tant ils sont nombreux, et de toutes catégories d’industries : des tailleurs, des chemisiers, des ébénistes, des tapis-siers, des orfèvres, des joailliers, des céramistes, des libraires, etc. Il v a encore des bronziers et des ébénistes viennois, ries céramistes danois et hollan-dais, des verriers italiens, des bijoutiers allemands, etc. a OÙ est la cause du mal r Les réponses des chefs d’industries et des chambres syndicales â cette question sont unanimes. « Toutes les enquêtes faites sur la situation des industries d’art ont démontré que les crises qui les frappent sont dues, surtout, à. un abaissement de l’instruction artistique chez les ouvriers, chez les patrons, et dans le public ; abaissement qui ne per-met plus que ces industries se renouvellent d’idées, et, au moyen d’une production pour ainsi dire ini-mitable par ses qualités d’élégance, de grèse, d’originalité et de fabrication parfaite, par un personnel supérieur, et par un outillage perfec-tionné, puisse lutter avec succès contre la concur-rence étrangère. Pourquoi cet abaissement ? Parce que l’enseignement, qui signifie chez nous l’enseignement officiel, (car s’il existe des institu-tions municipales ou particulières, presque toutes sont subventionnées par l’Etat, et la subvention n’est autre chose qu’une prime à l’asservissement administratif) l’enseignement est insuffisant et d’une irrémédiable défectuosité dans ses principaux organismes ; récole et lem usée. ■ Partout, au nord, au midi, dans le centre, comme à l’est et à l’ouest, jen’ai recueilli au cours de mon enquête de 1896-1897, que des doléances et des protestations, précises, énergiques, et même parfois violentes, des Chambres de commerce, des Chambres syndicales, des Associations corpora-tives et des chefs d’industrie, sur la faiblesse et l’insuffisance de cet organisme, qui nous placent dans uns situation d’infériorité vis-a-vls de la con-currence étrangère, beaucoup mieux outillée, depuis longtemps, à ce point de vue. Il y a dans le monceau de documents fournis par ht, Vachon à l’appui de ceci une lettre de M. Gallé, le verrier de Nancy, vraiment navrante. Il faut lire cela Cette détestable organisation n’est pas un inci-dent dû des causes transitoires ; elle est la con-séquence fatale d’un système, qu’on doit qualifier d’officiel et de national en raison de ses origines et de sa généralisation. En 1879, le gouvernement reconnut la ntices– sité de, réformer l’enseignement du dessin. Mais il commit l’irréparable faute de ne point le faire dans le sens de la liberté et de la décentralisation il aurait doté le pays de l’organisme puissant qui, vingt ans après, lui fait défaut pour le plus grand malheur de nos industries d’art. En 1879, le premier janvier, on nommait t7 inspecteurs de l’enseignement du dessin. Ces inspecteurs furent chargés d’ouvrir une enquête clans les départements sur la situation des institutions d’instruction artistique c’était les charger de faire une enquéte sur la nécessité de leur charger ! L’enquêté aboutit partout à l’urgence de la création d’un vaste organisme officiel d’ensei-gnement. Une doctrine fut adoptée comme la base ‘d’un enseignement artistique d’Etut, infaillible, intangible, ‘hors duquel il n’y a pas de salut, et qui a été formulé en un corps de méthodes et de pro-93 FIND ART ,DOC