NOVEMBRE Il n’est certes par facile aux architectes de changer les déplorables habitudes existantes, de briser la routine des modèles commerciaux, et, s’il s’agit de maisons de rapport, de con-vaincre leurs clients qu’il n’en coûte pas plus de construire des intérieurs décents que hideux, et que les locataires ne manqueront pas plus aux bonnes installations qu’aux mauvaises. C’est même, chez nous, une des tâches les plus difficiles qui se puissent imaginer. Mais il le faut; autrement, ce ne serait guère la peine de parler d’art moderne. G. M. JACQGES 1899 LE GOI:IT PUBLIC Mobilier de salon — Style esthétique — les 7 pièces — 3é5 francs. En lettres énormes, ces étiquettes s’étalent aux vitrines des grands magasins où l’on vend au public des articles en tous genres, cravates La Vallière ou bu frets Henri II, dernières créations de la maison. Et, placés là, devant ces meubles baroques et saugrenus, ces beaux mots de Style et d’Esthe-tiqu’e, expressions des plus hautes et des plus nobles idées d’art, font songer, non sans tristesse, aux cartes de visite des chanteurs de beuglants: illatuvu, artiae lyrique». Art, Lyrisme,, Style, Esthétique !!!! Pauvres beaux mots! Vous serviez jadis à désigner les plus élevées des con-ceptions humaines; aujourd’hui, tombés aux mains de nos bons cabotins en tous genres, vous n’êtes plus, hélas, compris de ceux là même qui se servent de vous, et déjà l’on n’ose plus vous employer à votre exacte va-leur, de peur de n’être pas compris. Ainsi songent les hommes de bonne volonté, devant les impudentes étiquettes des grands magasins. Quelle rage ont donc les gens d’aujourd’hui de profaner les mots et les choses? Pendant longtemps, ils ont châtré, en des productions hybrides, les styles des époques révolues, ils ont Massacré, tordu, déformé, pour les faire entrer dans nos mesquines demeures, des lignes et des formes, qui, belles et justes quand elles furent créées, étaient devenues inap-plicables à nos mœurs transformées. Pendant qu’ils opéraient ainsi, il y avait pourtant, de ci, de là, quelques penseurs qui osaient ne pas se montrer entièrement satis-faits. Viollet-le-Duc, d’abord, qui, sans prévoir d’une façon précise les tentatives de l’art décoratif moderne, prêchait déjà le retour aux construc-tions rationnelles des époques ogi-vales, mais en n’en retenant que ce principe de la forme adéquate à la convenance, car, disait-il, les créa-tions d’alors fussent-elles titille fois plus belles encore qu’elles ne le sont, nous devrions nous garder de les copier servilement, puisque, ces KELLER e< REINER A BERLIN c CREDENCE EN CHÊNE TEINTE AVEC DOS EN CARREAUX CÉRAMIQUES 57