•,•,–D• L’ART DÉCORATIF nous est plus défendu de nous laisser séduire par de gracieuces fantaisies tirées de ce que nous aimons dans la nature. M. Fouquet est un des meilleurs représentants de cette nouvelle école du bijou, par laquelle cet art délicat a subi un si heureux changement depuis quelques années. Je ne peux parler ici des effets de couleur et d’éclat par l’introduction discrète des pierreries, le choix des émaux et les variantes d’or; la vue des objets même peut seule rendre compte du charme délicieux et nouveau que leur prête cette heureuse alliance de matières. Sur nos reproductions, l’on ne peut faire ressortir que les beautés du dessin: la silhouette d’ensemble constamment élégante et claire que l’artiste sait tirer des flexions imprimées — si naturellement, cependant ! — à ses feuillures, à ses fleurs; les jolis motifs linéaires en lesquels se résolvent les racines, parfois les pétales même de la fleur; la membrure légère, et pourtant logique de chaque objet. Les bijoux de M. Fouquet ont été des plus remarqués au Salon cette année; c’était justice. J. Quatre pointes sêches de A. Desaille. Il y a des qualités remarquables dans ces dessins. C’est vu finement, et traduit avec une délicatesse, une distinction peu communes. En même temps, une vigueur de crayon étonnante chez une femme. Pas une hésitation. On parlera beaucoup de M »e Desaille avant longtemps. J. De nouveaux éventails et un châle en dentelles polychromes de Felix Aubert. De la douzaine de fleurs dont se compose notre flore, M. Aubert tire une oeuvre inépuisable ; il est peut-être l’artiste le plus fécond du temps. Et malgré celà, il se renouvelle dans chaque dessin. Plus il va, moins on se lasse de se laisser charmer. J. Les broderies de M ». Marie Closset sont l’oeuvre d’une toute jeune fille. Ces travaux de commençante, exposés dernièrement à la Maison d’art à Bruxelles, ont été remarqués ; et en effet, leurs combinaisons décoratives simples renferment des promesses sérieuses. M ». Closset se propose, nous dit-on, de donner une certaine extension à la production de ces broderies, en formant un nombre suffisant d’apprenties — ainsi que plusieurs dames artistes le font en Angleterre. Tant mieux, car pour les objets de cette classe, nous sommes encore vraiment un peu trop les tributaires forcés des magasins de nouveautés. h. S. A. le grand-duc de Hesse est un jeune prince épris d’art moderne. Après avoir fait 8 décorer et meubler sa résidence à Darmstadt par l’architecte anglais Baillie Scott, voici qu’il fait renaître l’esprit de ces centres d’art et de lettres qu’étaient les petites cours allemandes du commencement du siècle, en appellant dans sa capitale les artistes qu’il aime. De ces derniers sont M. Hans Christiansen, bien connu à Paris, oh l’on pouvait le croire définitivement fixé il y a quelques mois à peine; M. Behrens de Munich, l’architecte viennois Olbrich. Les nombreuses reproductions de travaux de M. Behrens dans ce numéro sont donc un peu d’actualité. Evidemment, ces travaux ne sauraient plaire beaucoup au monde parisien ; il y a trop loin de leur fruste naïveté aux délicatesses que notre tempérament demande. Cependant M. Behrens n’est pas le premier venu; nous dirions même volontiers qu’il est , si nous ne craignions qu’on prit en mauvaise part cette expression triviale. Il y a dans ce qui sort de lui une sorte d’ingénuité contrastant avec ce qui s’observe chez la plupart des artistes allemands, à savoir l’assimilation plus ou moins adroite de procédés pris à droite et à gauche — pour le moment surtout en Belgique. Sa simplicité n’est pas jouée; on y sent la candeur du villageois de la Forêt-Noire, sensible sous sa lourdeur rustique, comme en témoigne l’art populaire de ce pays. Si étrangers à nos goûts, h nous Français, que soient celte table, ces verres, ces nappes, ces tapis, nous ne pouvons leur refuser un charme sui generis, qui serait sans doute plus accentué si M. Behrens n’était, malheureusenvent pour lui, visiblement influencé par des doctrines mal en rapport avec son naturel. Ils sont l’oeuvre d’un esprit simpliste, qui dit les choces simples qu’il pense sincèrement, sans chercher de raffinements de langage. Dans ce qui vient de ces natures-là, il y a toujours une saveur qu’on ne trouve pas dans l’oeuvre de plus adroits. Il s’est fondé à Dresde, il y a huit ou dix mois, un établissement de production artistique à peu près sur le modèle des Ateliers réunis de Munich, c’est-à-dire auquel les auteurs des objets fabriqués et mis en vente sont associés dans une certaine mesure; il s’appelle les Ateliers d’art industriel de Dresde. On trouvera dans ce numéro quelques reproductions de meubles sortant de ces ateliers. Plusieurs sont dessinés dans un bon esprit, sans rien de remarquable pourtant. Ce dernier mot n’est pas un reproche; après les monceaux d’excentricités prétentieuses ou les folies d’artistes gaspillant d’heureux dons à tort et à travers, on n’est pas fâché de ren-contrer de temps en temps quelques objets qui so contentent d’être sensés. •