OCTOBRE 1899 s’est employé à réorganiser la maison anglaise sur cette idée. En particulier, leur sollicitude ne s’est pas contentée de s’occuper du manoir seigneurial ; elle s’est étendue aux plus petites habitations, et c’est précisément dans celles-ci que les résultats de leur effort s’aperçoivent le plus distinctement. Le mouvement artistique créé par l’école de Morris et la transformation du h om e ont marché côte à côte, la main dans la main; dans leur marche, l’architecture est restée le guide de l’art — un principe que tous les apôtres anglais, Morris à leur tête, n’ont cessé de considérer comme le fondement du mouvement. Non qu’il s’agisse de décider si c’est l’architecture, ou le peintre qui a mission de faire entrer l’art dans l’objet, mais parceque, que ce soit l’architecte ou le peintre qui l’entreprenne, l’ceuvre doit être accomplire dans l’esprit de l’architecture, et non dans l’esprit de la peinture. C’est l’esprit architectural qui distingue l’art appliqué, dans la conception anglaise, de ce qu’il est dans la conception continentale; et la raison doit en être cherchée probablement dans ce fait, que l’Angleterre n’a jamais perdu de vue le lien qui rattache l’art à la maison, la dépendance du premier à la seconde. La perfection dans l’art serait que la maison et son contenu sortissent de la même main. Mais pour une telle œuvre, il faudrait un artiste complet. A un tel artiste, je donnerais le titre d’architecte, ce titre dont le sens est trop oublié par ceux qui se con-tentent d’y voir un simple certificat de doctorat ès-ordres de colonnes. Les artistes capables de tout faire ainsi dans la maison ne sont pas rares. Baillie Scott en est un. Avec la construction de la maison pour centre, la sphère de ses conceptions embrasse le meuble, le dessin des tissus et papiers de tenture, la peinture décorative. Tout ce qui sort de lui est empreint de ce caractère de simplicité rustique dont je parlais tout-à-l’heure, de ce caractère qui, chez les artistes anglais, reste souvent incompris de nous parce-que nous croyons sa naïveté voulue, que nous nous obstinons à n’y voir que le résultat d’un travail fait de parti-pris. Baillie Scott réside et travaille loin des milieux mondains, dans un coin tranquille de Pile de Man. Travailler dans cette solitude doit avoir son charme, mais à un architecte, il faut un certain courage pour s’isoler ainsi. Et si l’on vient l’y chercher pour le charger de travaux, celà suffirait déjà à prouver son mérite. Parmi les travaux de Baillie Scott que nous reproduisons, la maison à Knutsford, une ravissante demeure, est un des plus anciens. Le hall a la hauteur de deux étages ; hall, salle à manger 5 et salle de réunion peuvent, grâce à de larges baies, être réunis en un seul espace. La division des murs en pans de bois est visible au-dedans comme au-dehors ; les meubles font partie intégrante de l’installation. Aucun coin ne reste inutilisé. Dans la demeure de l’artiste (the Red House) les mêmes règles sont suivies. Chaque trait pour ainsi dire de la construction extérieure se retrouve à l’intérieur, dans un effet de primitivité qui est la note même du tempérament de l’auteur. Glencrutchery, autre œuvre de Baillie Scott, a des dehors plus riants, et l’intérieur en est aussi plus tendre. Dans la salle de réunion, le manteau de la si originale cheminée et la banc y attenant sont en bois laqué blanc. Les frises et les papiers de cette pièce portent bien la marque anglaise moderne. La chambre et la salle à manger reproduites sont basses (c’est une opinion de Ballie Scott qu’outre que les chambres basses ont plus d’intimité, il est erroné de croire que l’éclairage et l’aération ne s’accomodent que d’une grande hauteur). Le buffet de cette dernière, relié aux pannelages mitraux, est en outre représenté à part; il est décoré d’incrus-tations de plomb ; la grande plaque en cuivre au milieu sert de réflecteur à trois bougies. La maison dans le comté de Surrey, non encore terminée, donne fine idée de la manière dont l’artiste fixe sa pensée en esquisses. L’une des dernières et plus personnelles œuvres de Baillie Scott est la smaison com-munale» d’Onchan dans Ille de Man, servant à la fois d’école et de chapelle le dimanche, et, les autres jours, de lieu de réunions plus profanes. La couleur y joue un rôle capital ; rôle éclatant dès l’extérieur dans l’enduit blanc des murs, le gris-bleuté des toits d’ardoise et la teinture verte des portes. A l’intérieur, les boiseries sont teintes partie en gris, partie en vert; les portes en bleu ; les tissus de tenture sont d’un brun chaud. Les gracieux emplombe-ments des carreaux de fenêtres, les appareils d’éclairage commandent l’attention. La forme de chaque objet, la contribution apportée par leur simple couleur à l’effet général, l’unité de caractère de chaque chose dans l’ensemble font de cette petite construction une œuvre magistrale, par laquelle on peut voir que la simplicité forcée et la modestie des moyens ne sont pas des obstacles dans les mains d’un artiste. H. MUTHESIUS r‘VreAtede?..)