L’ART DÉCORATIF Faut-il donc tenir pour négligeable cette renaissance de l’art décoratif, — dont chacun parle si pompeusement ? Je ne le crois pas. L’on ne saurait nier en effet qu’un heureux mouvement s’est produit dans les esprits; il semble que, chaque jour, le public se désintéresse davantage de l’imitation des anciens styles et c’est là un excellent symptôme. L’on veut du nouveau et de l’original; les classes moyennes de la société paraissent plus désireuses de s’entourer de bibelots; la bour-geoisie aspire à du papier peint bien rythmé et à des salières artistiques. Ce sont là des conditions favorables à la rénovation de l’art décoratif. Jusqu’à présent cette renaissance à été caractérisée par une production d’ignorance et de mauvais goût. Mais demain peut-être un ouvrier ou un artiste montrera le bon chemin et sera suivi par tous ses confrères. Déjà des efforts individuels se sont produits qui sont en opposition complète avec les œuvres des «maîtres» d’aujourd’hui. Il me serait aisé de distribuer des éloges à tel architecte, à tel décorateur ou à tel potier. Mais le but de cet article n’était pas de dépeindre exactement la situation de l’art décoratif en France à la fin de l’année t899. C’est une protestation contre l’absurdité qui menace de nous envahir et contre les prétendus artistes qui s’en fait les apôtres. Il serait temps qu’une voix plus autorisée s’élevât pour faire justice de ces «farceurs>, et montrer ce qu’ils valent aux critiques qui battent la grosse caisse devant eux et au public de «snobs» qui les acclame. FERNAND WEYL ARCHITECTURE ANGLAISE M. H. BAILLIE SCOTT On ne pourrait voir l’art anglais sous son véritable jour si l’on ne se pénètre de ceci, qu’il est est d’essence rustique. C’est à tort que beaucoup y cherchent l’élégance et le raffinement; en voulant le faire entrer dans l’atmosphère des salons parisiens, on tombe dans la plus grande des erreurs. Mais si l’on cherche l’impression d’intimité domestique, de pittoresque naturel, de sensibilité dans la sim-plicité, c’est à l’Angleterre qu’il faut la demander. Pour aimer l’art anglais, il faut y être porté par des penchants en rapport avec ce caractère. C’est affaire de tempérament. Si l’on remonte aux origines du nouvel art domestique, on aperçoit comme c’est dans le rustique que ses racines ont poussé. Qu’est le livre de Ruskin, ce livre par lequel les bases du nouvel art ont été si puissamment préparées? 4 Est-il autre chose qu’une exhortation au naturel dans l’art et dans la vie, qu’une glorification de la simplicité rustique? L’élégance, le raffinement des salons étaient haïs de Ruskin. Le même sentiment domine citez William Morris, chez Burne Jones, chez tous les premiers apôtres du mouvement artistique moderne. Leur aversion pour la culture de leur époque s’étendait jusqu’au vêtement; même dans leur extérieur, ils voulurent être de simples ouvriers, des hommes du peuple. Trait démocratique, primitivité qui contraste avec le caractère dé-cadent de quelques-uns des courants de l’art moderniste du Continent. Cet appel à l’un des penchants les plus caractéristiques du peuple anglais, sa propension au naturel et à la simplicité, n’a pas peu con-tribué à la victoire rapide du mouvement nouveau. Elle lui a fourni une base solide et concilié des couches profondes de la nation. En outre, en s’appliquant avant tout à réformer la maison — cet élément capital de la vie de l’Anglais I — les promoteurs du mouvement mirent le levier à la bonne place. Entreprendre d’organiser le home, n’était-ce pas, en Angleterre, s’associer tout le monde du coup ? La réforme de l’art s’est donc liée intime-ment à celle de la maison. Elle commença par l’abandon de la «villa italienne», floris-sante jusque vers 1870. Les néo-gothiques avaient déjà livré à celle-ci un combat acharné, mais sans succès: l’anachronisme- de leur bagage moyenageux n’avait pu trouver prise. On revint aux formes de la maison bourgeoise au siècle dernier, et la période «de la reine Anne» commença: les plâtrages, les peintures à l’huile, les murs peints en ‘façon de marbre disparurent, la symétrie des axes passa de mode. On se remit à bâtir en briques et en gais pans de bois, à couvrir en hauts et larges toits de pannes rouges, à membrer les façades comme le plan l’indiquait. Chaque province reprit ‘ses matériaux, ses habitudes de sol et de climat et ses traditions propres. La couleur fit sa rentrée en scène. A l’intérieur, les pièces redevinrent commodes; on revit les coins in-times, les bows-windows et les grands manteaux de cheminée; elles reprirent la forme qui donnait le plus d’aises, au lieu de celle que voulaient les axes de façades. Et du coup, l’excommuni-cation que la friperie de théâtre qu’était la mode italienne faisait peser sur l’art domestique bourgeois fut levée, un vaste champ s’ouvrit à celui-ci, et le génie des races du nord, leur sens intime de la demeure se reprit. Tel a été le point de départ de Pceuvre commencée depuis trente ans. Depuis, le talent d’une génération d’architectes anglais