L’ART DÉCORATIF •C:— et de tact ; il fallait savoir etre neuf dans le simple, et pittoresque sans détonner dans le mi-lieu monumental d’une grande capitale. ‘lest regrettable de devoir dire que dans les vingt et un ptojets présentés au concouru et expo-sés à l’Hôtel-de-Ville du q au 16 août,on ne trouve que peu de traces de celé. Dans une catégorie de projets, les auteurs se sont évertués à faire en pe-tit des monuments d’architecture académique, où tout le matériel du genre, les pilastres, les balus-tres, les attributs, les urnes et le reste sont mis â contribution. Dans cet ordre d’idées, l’un des con-currents a trouvé drôle de proposer une manière de réduction de Trianon ; un comble. On pouvait espérer qu’après l’accueil fait à l’Opéra-Comique de M. Bernier, nous en avions fini avec ces choses-là. Il parait que non. Seconde catégorie les édicules en fer, avec pan-neaux en maçonnerie légére, céramique ou toutes autres matières de remplissage, et larges pans vitrés. C’est évidemment le principe qui convient le mieux au cas. Mais qu’il est pauvrement appli-qué I Dans les douze ou quinze projets de cette espèce, on trouverait à peine une silhouette quelque peu distinguée, un détail qui ne soit em-preint de la plus navrante banalité. Toujours les fontes moulurées, refouillées, teuillurées, au lieu du galbe noble, sans plus, sous lequel ce métal grossier doit apparaître; toujours les ferronneries qui semblent n’avoir d’autre mission que d’exas-pérer luné par la répétition de l’insipide volute spiraloïde ; toujours les faïences criardes, giffle appliquée sur l’harmonie des couleurs d’une cons-truction. En nn mot, les pires lieux-communs du genre. Autre variété, représentée par un seul projet (heureusement:): la construction en bois où chaque pièce prend la forme d’un manche de bilboquet. Dans celle-ci, les panneaux semblent d’un marbre rougeâtre sur l’aquarelle ; l’auteur les pense-t-il en vrai marbre, ou bien en bois marbré? Le glacial ou le toc ? Glissons. Les juges du concours ont réparti les primes comme il suit : Edicules A (type courant), fer prix, M. Duray ; 2.. prix, M. Paumier. Edicule B (Bastille), prix, M. Duray; M » prix, MM. Lemaresquier et Blot ; prix, M. Paumier. Edicule C (Etoile). Pas de premier ni de second prix; 3. prix, M. Duray, MM. Rey et Letrône, M. Bonatasse (es-æquo). Le projet de M. Duray, que les juges ont distin-gué, possède en effet suc les autres de même genre (notre seconde catégorie de tout-a-Eheure) la supé-riorité d’une élégance banale. Débarrassé de guir-landes et de couronnes qui forment meneaux dans la partie supérieure des pans de vitre, et sont Vrai-ment par trope magasin de nouveautés v, il serait acceptable faute de mieux. Deux projets, que les juges Mt concours peuvent avoir eu desraisons touchant al’exploitationpour les laisser dans l’ombre — nous ne savons — nous ont paru dignes d’attention î ceux de M. Lewicki (n° et de M. Leenhardt (n. so). Le premier est une ravissante adaptation de l’ar-chitecture rurale américaine. Dans ce genre, il se-rait difficile de trouver plus pittoresque de formes, plus harmonieux de couleurs,plus noblement et sim-plement distingué d’architecture. M. Lewicki doit certainement posséder une grande supériorité comme architecte de constructions rurales. Je ne crois pas que ses projets d’édicules eussent été à leur place dans le milieu parisien ; mais des gares de petites localités comprises dans cet esprit seraient autrement intéressantes que la plupart de celles des Compagnies. Qnant au projet de M. Leenhardt, architecte à Montpellier, la silhouette simple en a beaucoup d’allure, avec son toit aux versants aplatis, débor-dant largement pour abriter les bancs qui ceignent la construction. Pour supporter cette large saillie du toit, une série de petites voussures maçonnées est construite sur consoles en fer. Ces voussures, dit l’auteur dans une note jointe au plan, se cons-truisent trés-simplement, et ont fait leurs preuves. En tous cas, elles couronnent joliment les murs, et donnent beaucoup de relief à l’ensemble. Il y au-rait bien â critiquer dans le projet de M.Ieenhardt certains détails tels que, par exemple, l’application intempestive de la publicité aux pans de vitres —la liberté de l’industrie suffisant à ce qu’elle puisse subvenir elle-même à tous ses besoins sans que les administrations publiques s’en mèlent, Mais ces détails n’infirment pas la valeur du projet, qui est neuf et se tient également éloigné des ornements vulgaires et des puérilités prétentieuses dans les-quelles certains veulent voir le e modern style. EN VOYAGE Les mois d’été, propices aux voyages, permettent de se rendre compte des progrès sensibles d’un art nouveau, en province comme a Paris. Un peu partout, nous avons pu constater l’in-fluence de l’art décoratif en général. C’est surtout dans les chalets et les hôtels des plages, que les décorateurs ont donné libre cours a leur fantaisie ; l’un deux, M. I,. Romieu, a peint des vagues, des algues et des goélands sur les murailles des salles à manger des nouveaux hôtels de la Bretagne, et semble s’être fait une véritable spécialité. Les villas et les kers sont souvent décorés écono-miquement avec des affiches de Hugo d’Alésy, Louis Oury, Misti et Réalier-Dumas. Chéret et Grasset sont préférés à la ville. A Nantes — où les industriels promettent de faire bientôt concurrence é ceux de Nancy —, nous avons vu des voitures-glacières, ornées très heureusement par des fers peints en vert et repré-sentant de grandes herbes sur un fond de bois peint en blanc, et sous un toit de chaume. Il y a là une innovation dans la carrosserie indus-trielle. G. B. BIBLIOGRAPHIE M. Paul Flat vient de publier chez Laurens un très bel ouvrage sur les Premiers Vénitiens. L’auteur de Figures de Rêve et de plusieurs autres livres d’une forme très élevée et d’une grande abondance de sensations a ainsi comblé une lacune qui existait dans l’histoire de l’art italien. Grâce à lui nous pourrons pénétrer très intimement dans l’ouvre des Vivarini, de Marco Basaïti, des Bellini, de Carpaccio, de Cima da Conegliano, et tous ces admirables artistes qui précédèrent ce que l’on est convenu d’appeler la grande époque de l’art vénitien illustrée ,par, Giorgione, I,e Titien; Véronèse et Tintoret. L’impression d’ensemble qui