L’ART DÉCORATIF et pour ce qui est des étoffes, tentures, tapis, les magasins modernes, «genre anglais» , détiennent un choix suffisant pour le séduire. Ses yeux se sont-ils donc ouverts aux beautés d’un art national, agit-il ainsi par conviction? Non, mais simplement parce que c’est la mode, parce que dans les expositions une place prépondérante est réservée à l’art ornemental et qu’il est de fort bon ton d’acquérir dans ces bazars, qui font désormais concurrencé aux grands magasins, de menus objets, des reliures, des tissus, des bijoux exécutés par des artistes! (Or ce succès, trop facilement remporte d’ailleurs pour n’être pas éphémère, serait plutôt de nature. à nous inquiéter, car il n’est pas d’exemple que la foule se soit jamais enthousiasmée — et d’un accord aussi una-nime — pour une chose durable et belle. La raison de cette vogue n’est pas difficile à établir. La recherche d’une beauté en quelque sorte «anonyme», qui est celle des objets usuels et qui ne peut être que de forme, de proportion, de matière, cette recherche de beauté qui doit être la seule raison de nos efforts dans la réforme que nous tentons, parut évidemment peu propre a satisfaire la vanité d’artistes pour qui la condition plus modeste d’artisan eut été déchoir. Ils ne voulurent donc oublier qu’ils étaient peintres ou sculpteurs, et lors-qu’ils essayèrent de créer un vase ou un tapis, le vase fut encore de la sculpture et le tapis un tableau. «C’est ce défaut de convenance et d’appro-priation, c’est cette tendance à introduire dans les arts d’ornementation les éléments qui doivent leur rester étrangers qui me faisait écrire: «Les artistes n’obéissent pas à un pur souci d’art, mais flattent et encouragent un goût momentané du vain public pour tout ce qui est artistique, — un goût plus dangereux peut-être que celui qu’il éprouvait précé-demment pour la basse camelote du com-merce. Le public, qui a un éloignement natif pour ce qui est abstrait, ne peut concevoir que la beauté puisse résider dans les formes, les proportions et la substance; et l’art or-nemental consiste, dans son esprit, à convertir en choses inutiles des objets d’un usage courant, à compliquer le simple, à couvrir d’injustifiables surcharges des ustensiles qui jusqu’à présent s’en étaient passés Car un vase quelconque ne sera pas embelli par l’application d’un croupe féminine, d’une fleur, d’une grenouille ; et les productions mon-strueuses de Palissy, — de même que ces faïences brabançonnes simulant presqu’en 230 trompe-l’oeil des volailles, des légumes, des fruits, — sont des aberrations absolues du goût, le fait d’une totale ignorance de la beauté. va sans dire que ce sont justement les erreurs que je signale ici qui furent dès l’abord accueillies et encouragées à l’égal des plus ingénieuses trouvailles: une cruche, impropre par son poids à aucun usage, séduisait par les «sujets« sculptés sur sa panse; un miroir n’était réellement apprécié que pour autant que l’envahissante impor-tance du cadre empêchât la glace de rien refléter ; une reliure se compliquait de telles surcharges d’émaux qu’il devenait impossible de la placer sur des rayons; et un siège ne pouvait être considéré corniste une oeuvre d’art s’il ne représentait quelque figure nue, accroupie dans une pose bizarre. «Des observations qui précèdent nous pouvons donc déduire certains principes aux-quels il faut se soumettre sous peine de ne créer que des oeuvres laides ou imparfaites; pour qu’un objet ait chance d’être beau, il faut : te que sa forme, sa dimension, sa matière, sa couleur répondent le mieux à sa destination ; se que son ornementation ne soit jamais au détriment de son utilité. est également contraire à tout principe d’esthétique d’admettre l’imitation d’une matière par une autre matière ; cet empiète-ment, qui offusque notre oeil au plus haut point, est toujours un signe certain de décadence dans les arts décoratifs. «Et rien que l’observance stricte de cette règle que la nature des matériaux ne doit — dans la mesure du possible — être dissimulée, et que leur simulacre est anti-esthétique — suffirait à amener une totale rénovation des industries d’art, toutes perverties dans leur essence même par le trompe-rceil. «Ne vovons-nous pas, en effet, et sans même chercher ces exemples dans des habi-tations d’un notoire mauvais goût, ne voyons-nous pas, dès le seuil franchi, la peintùre imiter le marbre, les diverses espèces de bois ou même la tapisserie genre «gobelins»? Le papier des murs simule les tissus les plus variés, draps, velours, cretonne, damas et parfois même, tout comme la peinture, la tapisserie, la céramique, la mosaïque au le marbre! Nous ne serons pas plus heureux en examinant les plafonds ou les parquets, car ces moulures, ces gorges, ces rinceaux, ces mascarons répandus à profusion donnent seulement l’illusion de la sculpture et ne sont qu’un plâtre fragile. Ce linoleum nous est gâté par sa prétention à représenter un tapis de laine ou un dallage; employé comme FIND ART DOC