• AOÛT 1899 NOS ILLUSTRATIONS Tous les Parisiens connaissent les affiches de Misti, leurs gentilles cyclistes et leurs ingénieux effets de clair-obscur. M. Misti (Ferdinand Milliez) — qui a bien voulu composer pour l’Art Décoratif les deux jolies pièces que nous donnons en hors-texte dans ce numéro — est aujourd’hui l’un des décorateurs d’affiches les plus recherchés de Paris, et c’est justice, car peu de talents sont mieux faits que le sien pour plaire. à tout le monde, aux connaisseurs comme à ceux qui ne le sont pas. C’est un talent aimable sans affé terie, de bon ton san, morgue; plein de naturel et montrant la chose faite sans effort ni souci d’étaler son savoir. Il est comme de la mu-sique d’Auber peinte sur les murs; de ce pauvre Auber pour qui les snobs du wagnérisme ont failli faire partager un instant leurs dédains (oh! rien de plus que failli), et dont M. Saint-Saens, — qui s’y tonnait un peu • — a écrit que «ses oeuvres ont la so-lidité de l’émail; c’est de la futilité indestruc-tible». M. Misti ne trouve pas qu’il soit indispen-sable de prendre des airs solennels pour présenter un apéritif au passant, comme quelques raseurs pontifiant voudraient le faire accroire. Cela prou-verait simplement qu’il est homme de goût et de mesure, s’il était besoin de cette preuve après avoir remarqué comme est toujours séante sa légèreté, jamais faubourien ni boulevardier son parisinianisme. Ses productions ont la désinvolture de ses petites femmes; comme elles, elles ne craignent pas le geste pittoresque, mais ne vont pas au Moulin-Rouge. La facilité n’y tombe pas dans la vulgarité, et l’auteur sait «faire au goût du client» sans oublier le respect de sonart. Il serait injuste, séduit par cette grâce facile, de ne pas apercevoir les qualités solides qui se cachent sous les dehors aimables de M. Misti: un dessin d’une irréprochable pureté, une composition adroitement ordonnée, une couleur où nulle note criarde ne s’introduit. M. Misti possède une réelle habileté à tirer des effets neufs des moyens limités que les procédés de reproduction économique laissent à l’artiste: on peut le constater dans l’un de nos deux hors-texte (l’aquarelle), où deux couleurs lui ont suffi pour établir une très-grande variété de tons. Sans viser à une originalité transcen-dante, il trouve des combinaisons ingénieuses pour remplir le but de l’affiche — c’est à dire attirer l’attention — sans sortir d’une correction à laquelle un classique même ne trouverait pas à reprendre : par exemple, les effets de clair-obscur des affiches du «Veto» et des «Cycles Clément», ou d’éclairage EX cLIBRIS f�u Jr-à rebours de celle des «Sources romaines de S’- Galmier». Cette in-géniosité technique est au service- d’un tour d’esprit non moins in-génieux, qui trouve la mise en scène pittores-que; l’affiche précitée des «Cycles Clément», avec sa cycliste regardant planer le ballon-réclame lumineux, est à cet égard aussi une gentille inven-tion, comme encore l’ancienne affiche des «Gladiator», où deux amoureux, surpris dans les blés, s’enfuient de toute la vitesse de leurs machines, tandis qu’ap-parait le gendarme dés-appointé. Les programmes de M. Misti pour les théâtres et concerts, ses menus, ses cartes d’invitation, ses calendriers – images pour magasins, etc., sont innombrables. ‘Foutes ces oeuvrettes témoignent d’une étonnante facilité, et, sans atteindre à des hauteurs auxquelles les improvisations ne peuvent aspirer, gardent le ton de bonne compagnie et la correction artistique de celui chez qui ce sont là des qualités innées. J. M. Serrurier-Bovy a été, si nous ne nous trompons, le premier sur le continent européen à entreprendre de réformer le meuble et la décoration des intérieurs. Il avait fait des études d’architecte; mais par les hasards de la vie, il se trouvait, vers t892, à la tête d’un com-merce d’objets d’ameublement à Liège. Epris de simplicité par tempérament, et constatant 191 FIND ART DOC