JUILLET de Velde, ensuite en France par M. Guimard et en Allemagne par un certain nombre de jeunes artistes, a entrepris de résoudre depuis quelques années. Avec quel degré de bonheur, je n ai pas à le rechercher ici. Il est possible qu’ils aient dépassé le but — comme la plupart des novateurs; — qu’après avoir proscrit le décor figuré là où il était sage de le faire, ils aient universellement étendu l’ostracisme, et encouru eux-mêmes d’autre manière le reproche qu’ils faisaient au décor par la figuration; qu’ils aient fré-quemment sacrifié les con-venances naturelles des ob-jets au désir de mettre en évidence le principe de leurs conceptions. Il n’en est pas moins vrai qu’ils ont ouvert la voie qui con-duira l’art appliqué aux formules de l’avenir. Ils sont des précurseurs. Le temps se chargera de mettre les choses au point. «L’art dans tout,, est, qu’on le remarque, une idée toute neuve. Elle ne remonte guère plus loin que le téléphone et la bicy-clette. On nous a dit et redit sur tous les tons qu’il ne sortait des mains des ouvriers du moyen-âge que des oeuvres d’art; si l’on en croit les admirateurs forcenés du gothique, le plus mince chaudronnier de ce temps-là ne pouvait faire une casserole sans y déposer des trésors artis-tiques. Celà demanderait démonstration; jusqu’à ce qu’elle soit faite, tenons plutôt pour vrai que ce qui survit du matériel du moyen-âge, ce sont les ob-jets plus ou moins précieux, et que le reste, c’est-à-dire l’ustensile informe à l’usage a péri. Or, cette idée nouvelle de «l’art dans tout» ne peut être réalisée que par des voies nou-velles. Jusqu’à ce que les artistes l’abordent en ces termes, c’est-à-dire se posent catégorique-ment la question: .Quel est le principe de la décoration, en quoi doit-elle consister?» l’art dans tout ne sera rien de plus qu’un grand mot. Il me semble que pour étudier cette question, 1899 il faudrait avant tout déterminer plus exacte ment qu’on ne le fait jusqu’ici les diverses convenances des objets. Deux sont universelle-ment acceptées aujourd’hui, celles de la matière et celles de la fonction, c’est à dire de l’usage. Il en est une troisième dont on n’a point parlé: celle du rôle des objets: j’entends par là, de la manière dont ils parlent à notre imagination, du mode d’impression qu’ils doivent exercer sur nous. On dit communément que le but d’une oeuvre d’art est de faire naître une émotion. Eh bien I quel genre d’émotions doivent exciter en nous les diverses catégories d’objets qui nous entourent, sans sortir de leur rôle naturel ? Ceci demanderait de longs développements. Ce-pendant un exemple fera, je pense, saisir l’idée que j’essaie de définir : celui d’un intérieur. Dans cet intérieur, il s’établit de suite une distinction fondamen-tale entre les surfaces bor-nant le milieu et les objets placés dans le milieu. Les premières, c’est-à-dire les murs, n’ont pas de fonc-tions actives; elles servent, il est vrai, à séparer notre vie de celle des autres, à nous protéger du froid et du chaud, mais c’est un but passif que notre esprit ne perçoit qu’exception-nellement, quand notre attention est appelée sur lui parce qu’elles le rem-plissent mal. Ces surfaces ne peuvent nous intéresser par la bonne adaptation à l’usage, qu’on ne voit pas; nous surprendre, nous ré-jouir, nous satisfaire par quoi que ce soit de tan-gible; en un mot, elles ne nous disent rien par elles-mêmes. Par le fait même, elles se prêtent à recevoir tout ce qu’on y voudra mettre; et ce qu’on y mettra n’ayant aucune fonction active, leur rôle est d’ordre purement contemplatif. La liberté de l’artiste n’est ici limitée que par l’application au décor des lois physiques de la couleur, du dessin et de la composition; il lui sera loisible d’éveiller en nous, par la contemplation de ces surfaces ou même par le seul caractère qu’elles donnent de tout le monde, T. SPICER.SIMSON 143 /8•