;lb LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE nord où s’étage le cimetière planté de grands cyprès ; plus haut encore que le cimetière, une allée — rendez-vous de quelques paisibles joueurs de manille —conduit à l’Observatoire. De cette allée, la vue s’étend sur Toulouse, sur toutes les Pyrénées qui ferment l’horizon, et les couchers de soleil prennent, vus de ce point, des somptuosités orientales. Devant ce panorama prodigieux, comment ne pas penser qu’un bien petit effort ferait de cette promenade inconnue un pendant de la colline de San Miniato qui surplombe Florence. Puisque nous avons ici l’occasion do louer l’oeuvre de M. de Lahondès, signalons encore le service qu’elle, et que d’autres semblables peuvent rendre, non seule-ment pour la divulgation mais pour la préservation des beautés artistiques de la France. Nulle cité n’a plus souffert peut-être au cours des siècles que la ville de Toulouse. Conquise et perdue tour à tour par des seigneurs rivaux, assiégée et dévastée par les Albigeois, mise à sac et incendiée au cours des guerres de reli-gion, secouée par la guerre de cent ans, elle s’est vu constamment ravir quelque partie de sa beauté. Et, comme si ce n’était point assez que le Premier Empire y ait fait raser le cloître de la Daurade, prodigieux ouvrage du xr• siècle, sous le prétexte de donner du travail aux ouvriers une édilité inconsciente y a fait ouvrir voici peu d’années, de grandes voies impitoyablement droites dont les tracés géométriques balayèrent vieux hôtels, cours pittoresques et jardins. Au-jourd’hui, il n’est que temps de défendre ceux qui nous restent, (l’entreprendre une lutte acharnée pour conserver aux pro-vinces françaises les trésors qu’on ne leur a point encore ravis. Dernièrement, une Société de Toulousains sauvait à grand’peine le célèbre pont (le briques jeté sur la Garonne par Bachelier, remar-quable ouvrage du xvre siècle et le vieil Hôtel-Dieu de la ville, condamnés l’un et l’autre par des architectes novateurs et audacieux. Puissent des ouvrages comme celui de M. de Lahondès donner aux belles choses de notre pays tant de publicité qu’ils en fassent un patrimoine si connu, si aimé des Français que nulle main sacrilège n’ose plus attenter à leur existence A Lyon : Une Exposition de ma-nuscrits. La très intéressante exposition orga-nisée en ce moment à Lyon par les soins de M. Cantinelli, conservateur de la Bi-bliothèque municipale, appelle des ré-flexions. Depuis bien des années, d’innom-brables donateurs enrichissent les biblio-thèques disséminées dans les grandes villes de France. A Paris comme en pro-vince, il s’est toujours rencontré une élite d’amateurs, de bibliophiles qui, ayant passé leur vie à amasser des tré-sors, petits ou considérables, curieux toujours, et cela souvent au prix de grands sacrifices ou de longues recher-ches, ont eu la noble pensée de les léguer ou de les donner aux établissements pu-blics, afin que d’autres gens de goût, plus tard, puissent hériter de ces plaisirs et de ces joies, — quelle que soit leur fortune, quelle que soit devenue la raré-faction de la curiosité — du livre, en l’espèce. Ce beau geste fait, les généreux donateurs, satisfaits, s’endorment de leur dernier sommeil. Et leurs livres aussi… Ainsi les ouvrages rares, les reliures pré-cieuses, les dessins uniques, les splendides enluminures, sortent peu de leur retraite, ils ne sont examinés que très rarement, soit par les érudits qui connaissent leur présence, soit par les personnes dotées de loisirs qui ont le temps de subir les délais matériellement nécessaires pour obtenir le prêt (le nombreux ouvrages disséminés dans les divers départements d’une Bibliothèque publique. Une solution excellente, c’est d’orga-niser des expositions périodiques, ayant trait à des séries déterminées ; toutes les richesses cachées voient successivement le jour, et, détail nullement négligeable, c’est l’occasion, pour chaque objet pré-cieux, d’une revision, d’un examen phy-siologique », si l’on peut ainsi dire. Autant il serait déplorable d’exposer trop longtemps au plein jour des gra-vures ou des dessins, autant il est salutaire de leur faire sentir, pendant un court délai, l’air et une lumière modérée. Seuls les vers, la moisissure et la pous-sière y trouveraient des mécomptes. C’est là ce que la ville de Lyon a fort bien compris. M. Henri Focillon, direc-teur des musées de cette ville, a inauguré le mouvement. Sur son initiative, nous venons de voir paraître successivement des plaquettes très curieuses et très bien présentées, qui’ nous font connaître peu à peu les oeuvres les plus significatives contenues dans les collections lyonnaises. Voici déjà les Mosaïques romaines, par Philippe Fabia, Montres et horloges, par Claudius Cote, Sirènes et A phrodite ar-chaïque, par Hend Lechat, Sculpture de Rodin, par le même. Cette seule énumé-ration montre l’éclectique du choix et l’intérêt des sujets traités. Et voici l’exposition de livres et de manuscrits actuellement ouverte à la Bibliothèque municipale, avec la colla-boration des collectionneurs de la région, et plus spécialement MM. Ch. Gillet et A. Rosset. Elle est installée dans les vastes salles de l’ancien palais archiépiscopal de Lyon, devenu Bibliothèque de la ville, depuis la loi de séparation. L’ensemble est remarquable, et s’étend depuis (‘époque mérovingienne jusqu’à la fin de l’époque classique. Bien entendu, les manuscrits sont la partie la plus magnifique, nous en citerons quelques uns : un Évangéliaire qui remonte au ix• siècle (nord de la France) ; la Psychomachie de Prudence, du x » siècle (prêté par l’Académie de Lyon) ; une superbe Bible du siècle suivant ; un Psautier à l’usage de l’église de Jully-sous-Ravières, du mie siècle ; un Missel dont le possesseur fut, croit-on, le pape Boniface VIII ; un Psautier d l’usage de Tours, du xiv• siècle (prêté par M. Ch. Gillet) ; puis un Missel magnifique, qui appartint ô la Sainte-Chapelle de Paris ; un autre, à l’usage (le Saint-Vaast d’Arras. L’an-cienne et célèbre bibliothèque de Jean de Berry est représentée ici par les 543 Grandes Chroniques de France, et les Métamorphoses d’Ovide (traduites par Chrétien Legonais). Voici, pour le xv » siècle, le Ma-nuel d’histoire de Philippe VI de Va-lois (1416) ; les Fables de Marie de France (traduction des Fables de Phèdre); le Missel du cardinal Jean Rollin, évéque d’Autun et amateur réputé ; los HeureS d l’usage de Poitiers, dont certaines enlu-minures rappellent la manière de Si-méon Marmion (prêtées par M. Ch. Gillet); un Missel romain contenant des oeuvres signées de Attavante (1483) et ‘ayant appartenu à Thomas James, évêque de Dol ; enfin, un Missel dont le calendrier imite de près les fameuses Grandes Heures du duc de Berry (à Chantilly), mais qui sont (le la main de Jean Colombe, de Bourges. Le xvie siècle est représenté par la Vie du Christ, de Ludolfe le Chartreux (13o6), avec les portraits de René II de Lorraine, sa femme et ses enfants ; la Passion de Jacques Le Lieur, le Missel de Roland de Neuville, évèque (le Saint-Pol-de-Léon (avec son portrait). D’une toute autre manière, et comme spécimen de l’art du manuscrit au xvire siècle, un livre de prières dû à Nicolas Jarry, l’auteur célèbre de la Guirlande de Julie. Ces ouvrages originaux sont accompa-gnés de recueils de chroniques, de romans du Moyen âge et de recueils de poésie, et de classiques. Beaucoup d’entre eux sont revêtus de précieuses reliures. Un cata-logue illustré conserve le souvenir de ce riche ensemble ; il a été excellemment dressé par l’abbé Leroquais. Notes diverses. • $ Le Directeur du Rijks Museum d’Amsterdam, M. Jonkheer van Riems-dijk, vient de prendre sa retraite à l’âge de soixante-dix ans. Un journal de Rotter-dam à propos de cette décision, a soulevé le cas (les conservateurs de musées qui jouaient, avant guerre, le rôle d’experts. M. Van Riemdijk était un parfait exemple de probité tout comme M. Van Kellen, autre conservateur de musée qui poussa le scrupule (le conscience, lorsqu’il fut nommé à son poste, jusqu’à mettre en vente sa propre collection de peinture, afin de repousser toute tentation. Mais il n’en était pas toujours ainsi. L’Alle-magne avait donné l’exemple avec le D, Bode et plusieurs autres qui faisaient payer les expertisés qu’on’leur demandait de faire des oeuvres d’art présentées. Nous nous rappelons même à ce sujet l’aventure qui eut lieu, vers zoro, à l’occasion d’un magnifique tableau de Cuyp, acheté en vente publique à Paris, contesté à la suite d’une expertise d’un conservateur étranger, réhabilité à la suite d’une autre, si bien que chaque nouveau propriétaire du tableau voyait le prix (le son achat grevé de celui des expertises successives, mais à résultats contradictoires. Le journal de Rotterdam souhaite que les directeurs, rompant avec ces cou-tumes, se déclarent incompétents et adressent les solliciteurs aux experts de profession ou aux marchands, ce qui serait strictement (l’une bonne adminis-tration, — en Hollande ‘comme ailleurs. LE CURIEUX. FIND ART DOC