542 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE en plus brillants de matière et, en somme, très capables de supplanter avec avan-tage ceux de tels portraitistes brevetés. L’exposition des études de Deauville a prouvé, une fois de plus, les qualités de décision, de justesse, d’ironie et d’origi-nal sentiment artistique de M. Van Don-gen. Nous aurons, d’ailleurs, l’occasion de reparler plus longuement du « Peintre de Deauville ». A la SALLE DU JEU DE PAUME, heu-reusement rendue à sa fonction de lieu d’exposition pour la restitution duquel nous avons bataillé, avec succès comme on voit, il y a eu, pour la réouverture, un « Salon des jeunes ». Il ne semble pas que rien de neuf ait surgi de cette copieuse et, en effet, très jeune réunion. Le seul intérêt a été pour l’exposition d’ensemble des oeuvres de Paul Dardé qui, autour de son célèbre Fauve, montrait d’impor-tants ouvrages de sculpture, et des dessins très nombreux d’une rare qualité d’art. Conférence de M. Charles Henry. Le savant directeur du laboratoire de Physiologie des sensations, M. Charles Henry, a fait à la Sorbonne une magis-trale conférence sur « ce que la science peut fournir à l’art ». Il a démontré que si la science ne peut pas, à proprement parler, guider l’inspiration des artistes en tant qu’inventeurs, elle doit d’une part contrôler leur travail en tant que met-teurs en oeuvre des moyens matériels, et, d’autre part, elle peut leur fournir des ressources incalculables. Nul mieux que le génial savant, depuis si longtemps adonné à la mathématique des formes, des couleurs et des sensations qu’elles provoquent, traita Ces sujets avec fruit pour les artistes, et il serait à souhaiter que son enseignement leur fût donné non plus à la Sorbonne, mais à l’école même où ils apprennent ou doivent apprendre l’alphabet sans doute, mais aussi quelque chose de plus. Les Monuments de Toulouse, par Jules de Lahondès. Un livre vient de paraître de Jules de Lahondès sur les Monuments de Tou-louse (Histoire, Archéologie, Beaux-Arts). Ce livre, ouvrage de toute une vie, car M. de Lahondès, habitant de Toulouse et président de la Société d’Archéologie du Midi de la France, en amassa les docu-ments au cours d’une longue existence, allait paraître en 1914. L’auteur en corri-geait les dernières épreuves lorsqu’il mou-rut le 19 juillet. La guerre obligea de différer la publication de l’ouvrage. Il paraît aujourd’hui sous les auspices de la Société Archéologique du Midi de la France, du Conseil Municipal de Toulouse et du Conseil Général de la Haute-Garonne. Cet ouvrage, admirablement édité, dont le texte érudit et attachant s’accompagne constamment d’illustrations qui le sou-lignent et le précisent, vient fort à point combler, pour le chef-lieu de la Haute-Garonne, une lacune qui, malheureu-sement, subsiste pour nombre de villes (l’art de France. A l’heure où tant (l’étrangers, attirés dans notre pays par l’épopée qu’il vient de vivre, ne demandent qu’à le connaître davantage, sous tous ses aspects et dans toutes ses beautés, afin (le l’aimer mieux encore, il convient de le rendre acces-sible, de présenter les trésors qu’il recèle, j’allais presque dire qu’il cache. La France est riche de merveilles que, trop souvent, elle ignore ou néglige. Dans son ensemble, l’histoire des monuments de la France est à faire. Un ouvrage comme celui de M. de Lahondès, com-plet, définitif, est une pierre à cet édifice souhaité. Cet ouvrage s’imposait : Toulouse ne se livre pas au premier abord et le tou-riste qui passe deux jours dansa la ville rose . part presque forcément sans l’avoir bien vue, et surtout sans l’avoir bien çom-prise. Son passé remonte loin — les an-cêtres des Toulousains sont allés conqué-rir Delphes ! — il est touffu de souvenirs que racontent les pierres de chaque monu-ment, à condition pourtant qu’on sache les interroger. La pioche de l’archéologue rencontre presque à chaque coup, sur les hauteurs de Vieille Toulouse, des amphores con-temporaines des Ibères, des monnaies antiques, grecques, phéniciennes, contem-poraines des premiers comptoirs méditer-ranéens, et c’est là le berceau de la Tou-louse actuelle, dans un site pittoresque au sommet d’une colline, face aux Pyré-nées lointaines, dominant le cours ondu-leux de la Garonne. Très vite, Toulouse commença de s’éta-blir au bord du fleuve. Elle s’y trouvait lorsque survint l’occupation romaine. De cette période qui fut somptueuse, presque rien ne subsiste aujourd’hui. Des temples s’éleverent dont les marbres se sont écrou-lés ; les ouvriers de la Renaissance les sortirent un jour du lit de la Garonne pour en décorer leurs ouvrages. Il y eut un amphithéâtre, des thermes, des villas, une forteresse — le Château-Narbonnais — qui, longtemps, défendit la ville, et qui fut assiégé par Simon de Montfort à la tête des Albigeois. De tous ces monu-ments, on ne relève que des traces. Mais il est charmant de découvrir sur les berges de la Garonne, dans l’enchevêtre-ment des lierres et des ceps de vigne, les derniers vestiges des remparts qui, dès l’époque romaine, ceinturaient la ville ; ils ont le pittoresque charmant de ces ruines animées qui, au xville siècle, ins-pirèrent la fantaisie de Hubert Robert et de Fragonard. D’ailleurs, Toulouse fut appelée par Martial la cité « palladienne » et ce quali-ficatif dit tout de ce qu’elle fut alors. Elle devint capitale d’un royaume Wisi-goth, première ville du comté de Toulouse, et c’est à cette période, la période romane, que se rattachent les plus beaux édifices toulousains. Ils sont contemporains du gouvernement des comtes et présentent de remarquables spécimens de l’architec-ture méridionale depuis le xi’ siècle. C’est d’abord l’église Saint-Sernin, l’une des plus belles églises romanes de France avec son portail austère, sa nef imposante, les chapiteaux archaiques de son tran-sept ; Saint-Étienne, église cathédrale, souvent remaniée, intéressante dans ses formes successives et comme superposées. Elle a, malheureusement, été dégagée, voici quelques années, des vieux hôtels qui l’accolaient et l’on se propose de déshonorer sa façade, pourtant d’une asymétrie charmante, en la doublant par l’adjonction d’un second portail mo-derne. Puis, c’est l’église Saint-Pierre des Cuisines, l’une des plus anciennes de Toulouse, aujourd’hui transformée en dépôt militaire et dont les voûtes abritent avec étonnement l’hétéroclite entasse-ment des selles, harnachements et buffle-teries; les Jacobins, dont la nef divisée longitudinalement en deux parties égales par une rangée de colonnes, présente une forme particulière et de très rare beauté. Et puis, tant d’autres monuments encore, précieux témoins du passé, que M. de Lahondès énumère et dont il étudie les qualités. Au moment de la Renaissance, Tou-louse étant ville de Parlement, l’archi-tecture civile acquit plus d’importance on vit s’élever dans son enceinte de char-mants hôtels, le plus souvent construits en briques, hôtel d’Assézat, de Beruys, du Vieux-Raisin, de Roquette, de Men-sencal, de Saint-Romans, cent autres demeures dont les tourelles surgissent encore au milieu des maisons plus mo-dernes qui les enserrent et les étouffent, et dont les façades ouvragées se chargèrent d’ornements d’un goût précieux et raffiné. Le xvilic siècle marque également Tou-louse de son empreinte. A ce moment, le cardinal de Brienne y est évêque, il ne se contente point de s’occuper des intérêts spirituels de son diocèse, il fait élever les quais de la Garonne, et dans les maisons qui les bordent on trouve encore aujour-d’hui les traces de l’ordonnance harmo-nieuse qui présida à leur construction. L’actuel Capitole, d’une architecture un peu plate, mais non sans mérite, est pour la plus grande partie de cette époque. Des hôtels furent construits : l’hôtel d’Espée. rue Mage ; l’hôtel du comte Jean Dubarry, beau-frère de la favorite, demeure qu’il fit construire et ne quitta que pour la prison de la Terreur et l’écha-faud. Et puis, à côté des monuments eux-mêmes, il se trouve encore à Toulouse de ces endroits privilégiés où, par miracle, se sont conservés tout le charme, tout le parfum de la vieille France. De ces coins pittoresques, évocateurs où l’on rêve de-vant la forme d’une margelle usée, devant la couleur d’un mur lépreux. Dans la rue Saint-Rome, par exemple, chaque porte, chaque cour de maison réserve au promeneur une surprise nouvelle. C’est ceci et mille choses encore que décrit et raconte avec agrément l’ouvrage de M. de Lahondès. Il faudrait pour le résumer, même très succinctement, beau-coup de temps et beaucoup d’espace, qu’il nous suffise, aujourd’hui, de le louer. Pourtant, il convient d’ajouter une re-marque à cette monographie, si complète soit-elle ; c’est que Toulouse possède en-core, en dehors de tant de motifs à l’inté-rêt et à l’admiration, la double séduction de la couleur et de la lumière. Parce qu’elle est toute construite en briques roses que vient envelopper, par les beaux jours, une brume chaude et transparente, il semble quelquefois que Toulouse soit baignée d’or. Une colline la domin FIND ART, DOC