LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE I I. DURAMEAU. – LE PLAFOND. oeuvre qu’il a méditée toute sa vie désespère Gabriel, et à l’étonnement de tous, il s’y montre opposé. Il faut l’ordre exprès du roi pour le décider. L’on comprend ses appréhensions, à voir le noble programme qu’il s’était tracé. « L’on a eu pour objet en établissant cette salle, dit-il dans la description qu’il en a laissée, de former un monument qui répondit à la dignité et majesté du roi, à la magnificence du château dans lequel il est pratiqué, aux usages de la Cour de France, et particulièrement de donner une idée du progrès des arts sous le règne de Louis xv. « C’est l’honneur du grand architecte de n’avoir, dans la précipitation du travail, rien sacrifié de ses hautes ambitions. Dès lors, dans tous les services, c’est un branle-bas général. La bâtisse s’achève la première, et Gabriel peut enfin édifier, vers les réservoirs, cette façade où, sans rompre l’harmonie de celles de Mansart, il a su des éléments qu’il leur a pris, dégager une oeuvre vrai-ment originale. Au fronton de ce temple de la musique, Pajou sculpte un Apollon qui chante en s’accompagnant sur la lyre. Cependant Arnoult, le premier machiniste, est parti étudier les derniers perfectionnements des salles d’Europe ; Papillon prépare déjà ses spectacles, décide la reprise de Persée et travaille à sa mise en scène; Durameau compose et brosse son plafond qu’il suffira de maroufler le moment venu ; une commission enfin, formée de membres des deux Académies, arrête, sous la présidence de Gabriel, les effets de peinture et de dorure, lorsque, le 12 décembre 1769, la salle est entiè-rement terminée. Entourée de dégagements et d’escaliers de pierre, elle est toute de menuiserie, merveilleuse boite sonore ou Gabriel a su éviter « les angles et les ressauts, écueils ordinaires de la voix ». Sa forme « d’un ovale tronqué » est un emprunt aux théâtres antiques, ou du moins aux découvertes de jeunes architectes, pensionnaires de l’Académie de France, que passionne alors l’étude des monuments grecs et romains. Mais la part faite au goût du jour dans l’Opéra de Versailles est tempérée par un tel respect de la tradition qu’on ne saurait y voir une oeuvre néo-antique. Bien plus qu’un chef d’école, Gabriel s’y montre le génial disciple de Mansart. Ses concessions à la mode nouvelle, l’emploi de certains attributs, comme celui des aigles à la loge royale, ne doivent pas nous tromper, l’ensemble relève surtout du style français. Les souve-nirs du passé abondent : les trophées de musique, les colonnes corinthiennes qui entourent la scène font son-ger à la chapelle de Mansart ; le mélange des ordres, l’habileté avec laquelle la colonnade ionique des gale-ries se raccorde à l’ordre colossal de l’avant-scène sont dignes, comme l’emploi des marbres feints, de Borromini ou du Bernin. C’est un grand décor que cette salle, elle en a les transformations rapides, elle est, à leur manière, peinte à la détrempe. Son plancher mobile monte pour les bals au niveau de la scène, où une architecture démontable peut la continuer et en doubler les loges et les galeries. En d’autres occasions, la scène est simplement masquée par une colonnade corinthienne, que l’on place en deux 7 FIND ART DOC