secrètement le senti-ment qu’il s’ingéniait surtout à se distin-guer de ses confrères. Chacun d’entre eux travaillait moins pour exprimer se-propres idées qui pour se montrer dif-férent des autres. Ce feu d’artifice d’ef-forts divergents était, il est vrai, fort bril-lant, et les figures que dessinaient dans l’espace ces fusées rapides étaient souvent fort singulières. Mais leur éclat s’éteignait bientôt, laissant le souvenir d’une fête. Or, les hommes ne vivent pas dans une fête. Ils y assistent, y prennent plaisir, et l’oublient. Ce n’est qu’én réu-nissant en faisceau toutes ces lueurs éparses que l’on pourra créer de la vraie lu-LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 513 mAssour… — ciawincLas. – mière. Ce n’est qu’en coordon-nant leurs ef-forts, en accep-tant la direction d’un chef d’or-chestre que les virtuoses, dont chacun voulait jouer en solo, for-meront une trou-pe homogène. En effet, quel-que goût qu’on éprouve pour l’art de certains maîtres, il faut convenir que tant de précio-sité demeure un peu artificielle. Ces beautés-là sont de grandes coquettes. Les humbles besognes de la vie répugnent à leur délicatesse. Mais comme la vie con-tinue sans elles, et qu’elles vieillissent, elles rediront un soir, à la chandelle, le poignant sonnet de Ronsard, et regretteront d’avoir été farouches. Déjà un mouve-ment heureux s’ébauche. Rejetant l’inutile fardeau de leur jaloux exclusivisme, les artistes décorateurs com-mencent à tolérer parmi eux leurs disciples manifestes. Le phénomène, très franchement marqué dans l’art du meuble que la Renaissance de l’Art Français étudiera, n’est pas moins sensible dans les arts mineurs Ci.. RF.N. i O’AUTOI■INE. de la décoration. Ces rencontres et ees emprunts réci-proques posent un problème extrême-ment complexe. De-puis le romantisme, s’est développé un étrange sentiment de la propriété morale dont le Passé était totalement exempt. jadis un peintre était un peintre, un céra-miste composait des porcelaines et des faïences ; ils étaient des praticiens qu’on prisait selon leur talent, et François Boucher ne dédaignait pas de peindre des écrans de feu et des poupées. Aujourd’hui l’artiste a dépouillé cette bonhomie, Il prétend faire oeuvre de créateur, son art ou ses procédés vinssent-ils même, d’une ma-nière évidente, DELAHERCHE. – CÉRAMIQUES. – EXPOSITION Ge:O. ROUARD. de l’atelier voi-sin. Du point de vue économique et moral, il est peut-être heu-reux qu’une ten-dance nouvelle réagisse contre l’individualisme inquiet. Car nous n’avons que faire du style d’un homme : c’est le style d’une épo-que que nous ré-clamons : ce style ne saurait s’éla-borer dans l’es-prit d’un seul individu. Mais ce n’est pas en pastichant l’oeuvre d’un maître que se formeront M.’, disciples : le pastiche est une chose morte. C’est en pénétrant la raison profonde qui fait viables et féconds les chefs-d’oeuvre. C’est en empruntant aux maîtres non point leurs trouvailles, mais leurs méthodes ; non la lettre, mais l’esprit. L’on condamne l’imitation de « ancien ». Est-ce pour ap-prouver celle du «moderne »? L’utilité des musées et de l’enseignement ne consiste pas à proposer des modèles, mais des conseils. Il ne faut pas copier une oeuvre, fût-elle la plus belle du monde : il faut discerner la raison de sa beauté, et appliquer dans le présent la leçon du passé. FIND ART DOC