512 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE vail d’estompe, qui lui sert de prépara-tion. Les demi-tein-tes sont posées d’abord ; le travail du crayon vient ensuite et pose les forces. Par le moyen de quelques-uns de ces dessins restés en ébauche, il est fa-cile de reconnaître le procédé. De là s’ensuit dans la demi-teinte une lé-gèreté, un fuyant, un fondu, qui est comme inimitable. En regardant en arrière du côté de leurs modèles, on ne saurait compa-rer ces ouvrages qu’à ces beaux des-sins de Liotard que le Louvre et la Bi-bliothèque possè-dent, mêlés de mine de plomb et de san-guine. Encore pour y trouver l’égal de ceux de Compte-Calix en douceur, faudrait-il chercher les contre-épreuves, abondantes dans ces collections. Ajoutez la grâce des visages, de même espèce que celle du xvme siècle, car on la voit illuminer des traits qui ne sont pas uniformément beaux ; mais l’expression vive est parlante, et la vérité de l’action donnent le charme à toutes ces figures. Quelques-unes ont de légers rehauts de chair ; en général, elles ne sont qu’en noir et blanc. Tantôt, c’est une liseuse, tantôt une femme occupée à peindre, ou dessinant dans un album, ou tenant les outils du sculpteur à la main, jouant de la guitare, ou méditant, ou accroupie à terre et soufflant un feu qu’on ne voit pas, ou se chauffant à ce même foyer invisible. Les robes sont drapées avec un goût parfait, et le rendu des plis égale celui des visages, des mains, des gorges bombant dans les corsages. Auprès de ces dessins poussés, il faut mettre les esquisses d’ensemble, où la composition lumineuse, COMPTE-CALIX. DESSIN. CI. MEC réglée sur les exem-ples de Fragonard, rend un effet bien autrement agréable que dans la gra-vure à laquelle ils ont servi de prépa-ration. C’est le cas du Chant du rossi-gnol, où une dou-zaine de femmes assises dans un jardin et sur les marches d’un esca-lier de pierre, les unes le cou tendu, les autres ramassées dans l’attitude de la contemplation, écoutent le chan-teur des nuits. La demi-teinte et la lumière sont distri-buées si habilement, le geste de toutes ces figures exprime si joliment la même extase, qu’on croit ressentir le silence de la nuit rompu, de l’impressionnant éclat qui les fascine. Il y a de Compte-Calix des figures de caprice exécutées au trait, qu’on prendrait pour des Fragonard, pillages adroits, demi-imitations, copies ; toujours est-il qu’elles font illusion. Leur intérêt dans une telle oeuvre est de révéler les exercices par où l’artiste s’entraînait à des ouvrages d’un bien autre mérite, puisqu’en retenant les leçons des anciens maîtres, ils ne laissent pas de porter une marque originale. De la production du xvme siècle, combien de petits maitres a-t-on retenus, que l’époque suivante négligea ! De celle de 1830, combien, tenus de leur temps en place modeste, ont atteint une réputation qui manque aux plus fêtés d’alors ! La production de 186o commence à se débrouiller à peine. C’est en y regardant de près que le départ s’en fera, que se fixeront les rangs, que se prendront les places. Les réflexions qu’on vient de lire pourront servir à cet effet. L. DIMIER. FIND ART DOC