5(4 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE la couleur vénitienne même, ne contribuèrent-t-il pas à les faire éclore ? Ce que Gentile et Pisano ont éveillé, Castagno l’aurait-il donc fixé ? On entrevoyait, va-t-on pouvoir conclure ? La découverte de M. Fiocco permet en tout cas d’avan-cer vers la solution. Les fresques de la chapelle San Tarasio deviennent une date importante, capitale dans l’histoire de l’art, puisqu’elles ap-portent la preuve de la présence à Venise, au moment même où Ve-nise naît à la peinture. d’une oeuvre où l’on re-trouve tous les éléments caractéristiques de cette peinture, et signée d’un des peintres les plus ca-ractéristiques aussi de cet art florentin dont on constatait l’influence sur Venise, sansen possé-der la preuve directe, la preuve matérielle — que M. Fiocco démontre en-fin. M. Fiocco peut dire aujourd’hui à bon droit qu’Andrea del. Castagno vint à Venise en 1442, au moment précis où, précisément, on note son absence de Florence, et alors que sa présence allait être si opportune pour la peinture vénitienne et padouane. Par lui, plus que par Filippo Lippi et Paolo Ucello, on pourra expli-quer la subite renaissance de la misérable École squar-cionesque et l’essor du génie de Mantegna. Et voilà comment, en accomplissant de modestes travaux sur un primitif qui n’a jamais suscité aucune frénésie, on arrive au résultat de bouleverser tout un petit monde… En poursuivant sa recherche de Castagno pour en délivrer Giambono, M. Fiocco n’en demandait pas tant. Profitant des travaux de réfection de la voûte de San Tarasio, sur les peintures de laquelle son attention fut appelée par la date 1442 fixée par Thode au voyage de Castagno, profitant de ses travaux, il étendit à ces vieilles peintures, négligées et à demi ruinées, ses investigations. A mesure qu’il voyait apparaître ces yeux terribles à la blanche sclérotique si particulière à Castagno, cette majesté presque féroce des figures, l’évidence se faisait de plus en plus grande en son esprit. Mais la preuve, la preuve ! Un cartouche faisait pendant à celui où était inscrit la date : 1442. Peut-être portait-il une autre indication ? On gratta les sanies de ce cartouche, et la signature Andreas de Florentia fulgura aux yeux reconnaissants du professeur avisé et bon logicien. s * Ces fresques occupent la voûte de cette an-cienne abside d’une an-cienne église qu’est la chapelle San Tarasio. Elles sont au nombre de sept : Dieu le père, les quatre Évangélistes, Saint Jean Baptiste et San Zaccaria — plus les décors de Francesco da Faenza. Nous en repro-duisons -ci.-contre quel-ques-unes.Sn peut juger dans quel état ces fres-ques nous sont parve-nues et, par conséquent, vu la difficulté multi-pliée des recherches, de la sagacité nécessaire pour en deviner l’inté-rêt. Sans la signature, qui nous permet, à nous, d’être très convaincus et non moins affirma-tifs, on aurait pu discu-ter longtemps encore, la « terribilita » de Castagno ayant continué à être prise pour la grossièreté de l’art vénitien en ces temps premiers… Il n’y eut jamais, en effet, d’homme plus malheureux qu’Andrea. Il souffrit toute sa vie d’une âme chagrine, soupçonneuse et jalouse. Il a tout pour s’estimer heureux, et un sombre génie s’oppose à toute joie. Il avait débuté comme Giotto par garder les moutons. Un peintre se réfugie dans sa cabane, un jour d’orage. Andrea voit les dessins, et le voilà qui en fait autant, au charbon, sur le mur de la chaumière paternelle. Le seigneur du village remarque les grafitti et adresse leur auteur à Masaccio pour qu’il en fasse un peintre. Quel plus beau début ? Et cependant Castagno chargé de travaux et de renommée ne dérage pas. Sa fureur cons-tante est telle qu’il finit par devenir assassin. Vasari nous conte ainsi l’histoire. Le couvent de Santa Maria Nuova avait prié And FIND ART, DOC