502 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE fait. Dans le cartouche qui fait pendant à celui où est inscrite la date, 1442, M. Fiocco a trouvé, sous quel badigeon on le devine, a trouvé la signature : Andreas de Florentia. il a trouvé aussi la signature de Francesco da Faenza (Francescus de Faventia), qui a exécuté quel-ques décors de la voûte où sont peintes ces fresques ; je l’indique pour mémoire, tout l’intérêt se portant ici sur Castagno. S’il n’y avait qu’à gratter, ce serait trop facile. Pour gratter, il faut avoir des raisons. L’idée de chercher à tel endroit ne vient pas « en entendant chanter le rossignol ». Les pressentiments, en ces questions, sont le fruit de longues recherches. Ils sont des résultats… M. Fiocco est arrivé à Castagno par un chemin aux mille détours, et quand il a atteint le but, rien n’a pu le surprendre, sûr de son fait, après mille travaux pré-liminaires et préparatoires dont je voudrais donner ici un résumé, nécessaire d’ailleurs, pour justifier la trou-vaille. Dirai-je même pour justifier la signature ? Il ne le semble pas, maintenant qu’on la connaît… J’ai vu ces fresques, au mois de juin dernier, lors de mon passage à Venise. Elles étaient en cours de réfection, et j’ai bien reconnu la patte du peintre de Cenacolo di Sant’ Apollonia de Florence : mais ça n’était pas très malin ; je les savais de lui, on venait de me le dire. Se persuader et convaincre les autres que des Jacopo Bellini sont florentins est plus difficile, et un professeur d’histoire de l’art ne se lance pas à la légère dans une telle aventure. Les affaires vont ici, comme on dit, de fil en aiguille. Suivons le fil de M. Fiocco jusqu’à son entrée dans le chas qui est le mille dans lequel a mis l’heureux professeur. C’est en s’occupant de Michele Giambono que M. Fiocco est entré dans la voie. Giambono est un primitif vénitien, de ceux que révéla à eux-mêmes la présence à Venise, poile y décorer le palais ducal, de Gentile da Fabriano et de Vittore Pisano. Il s’inscrit tout à fait en tête de l’école vénitienne avec Jacobello del Fiore et Fra Antonio da Negroponte, avant même les peintres dits de l’école de Murano. C’est donc un artiste encore tout imprégné de gothique, sur qui la Renaissance introduite à Venise par les peintres de Padoue — et par Castagno, maintenant I — n’agira que tard, si, même, on n’attribue pas à la collaboration de Mantegna les formes nouvelles que l’on constate dans certaines des oeuvres de Giambono, Les plus.marquantes de celles-ci sont les mosaiques, leur carton s’entend et non pas l’exécution, de la cha-pelle des Mascoli à Saint-Marc. Elles sont franchement gothiques, sauf une : La Mort de Marie, où, tout à coup, la Renaissance apparaît. Ehl c’est qu’elle n’est pas de Giambono ! La discussion sur ce point n’entre pas dans le sujet ici traité. M. Fiocco prouve présemptoirement que Giambono est bien l’auteur de La Mort de Marie, ‘Mantegna sans doute collaborant. Pour ce qui nous intéresse, le fait est patent d’une différence entre La Mort de Marie et les autres mosaï-ques de la même chapelle. Et jusqu’à M. Fiocco chacun s’était ingénié à trouver le nom de l’auteur dé cette Mort, ou bien à expliquer par les influences de Padoue, de l’École de Squarcione, par le prestige florentin, par Donatello, et même Paolo Ucello et Filippo Lippi venus à Padoue pour y travailler, cette transformation de l’art de Giambono. Mais au fond on penchait davantage vers une attribution carrément étrangère à Venise, vers l’intervention de peintres con vénitiens. Or, parmi ces derniers, M. Henry Thode, le critique allemand, fit tout à coup figurer, en 1898. le nom d’Andrea del Castagno. M. Thode étudiait un pro-blème assez délicat à résoudre : la venue à Venise d’Andrea del Castagno. Et, au cours de son investiga-tion, il était tout naturellement amené à se dire : « Castagno à Venise, c’est parfait ; mais, pour quoi y faire ? Si je peux rencontrer le témoignage pictural de son passage, mon opinion sera d’autant plus justifiée. Et, d’ailleurs, quel intérêt peut offrir la présence de Castagno à Venise s’il n’y a rien fait ? » Et M. Thode voyant, comme tout le monde, des différences entre les mosaïques de la chapelle des Mascoli, estima que La Mort de Marie pourrait bien être de Castagno dont il démontrait, d’autre part, la venue à Venise, en 1442, date des fresques de San Zaccaria — et c’est de là que M. Fiocco partit. Si l’on maintient, en effet, à Giambono La Mort de Marie, que va devenir encore une fois Castagno ? Il faut absolument lui trouver une occupation à Venise, en 1442, pour la gloire entière de Giambono que Thode vient de dépouiller en sa faveur. Et plus besoin, ce qui est d’autre conséquence, plus besoin dès lors d’aller chercher jusqu’à Donatello pour justifier l’influence florentine sur les débuts de l’École véni-tienne, plus besoin d’Ucello ni de Fra Filippo; par contre-coup se trouve enfin atteinte la théorie sur les débuts de Mantegna qui arrivait justement à Venise, âgé de douze ans, au moment même où Castagno y débarquait, en 1442. Le problème Castagno s’étend dès lors au plus vaste problème de l’influence floren-tine sur la peinture vénitienne, problème que Gentile da Fabriano et Vittore Pisano n’ont pas suffi à résoudre, puisqu’on s’est adressé aux élèves de Squarcione et même à Donatello occupé au Gattamelata, à qui encore ? Un talent aussi vigoureux que celui deCastagno, si Castagno est bien venu travailler à Venise, doit avoir agi avec la plus grande efficacité sur les jeunes Vénitiens qui n’ont pas une aussi. forte personnalité. Le réalisme vé FIND ART, DOC