436 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE Louis XVI, cet orgue a été fait et monté par moi, François Cliquot, facteur-orga-niste du Roy, au mois de septembre 1771 .. Cet orgue, on devinait qu’il avait existé par l’emplacement demeuré vide dans la tribune et par les chroniques du temps, mais on le croyait à tout jamais perdu. On a encore groupé sur une étagère les fragments retrouvés de ce que fut, autre-fois, la célèbre Belle Cheminée, en marbre, exécutée par le sculpteur Jacquet. monu-ment admirable qui mesurait huit mètres de haut sur six de large. Le centre pré-sentait, en bas-relief, la statue équestre de Henri IV, grandeur nature, encadrée de deux colonnes. Il ne subsiste de cet ensemble que le casque du roi, surmonté d’un panache de plumes, qui était posé au-dessous de la statue, un ncmbre im-portant de motifs (l’une exécution pres-tigieuse et une colonne qui se trouve maintenant placée dans le jardin an-glais. On pouvait espérer que, grâce à la récente trouvaille, on serait à même de réédifier l’ensemble, mais un examen plus attentif a fait constater que, lors de la démolition de la Belle Cheminée, si de nombreux fragments ont été mis en réserve et ont pu être, aujourd’hui. récupérés, quelques-uns ont été employés un peu partout dans le Château, soit pour édifier de nouvelles cheminées, soit pour concourir à des décorations murales. I; oeuvre de reconstitution parait, de ce fait, très délicate. On peut voir encore, dans l’exposition, le mobilier commandé par Napoléon, en 1805, pour le Boudoir Turc et qui (levait remplacer le mobilier original du temps de Louis XVI, dispersé par vente pu-blique sous la Révolution. Ce mobilier, de style empire assez banal, signé de Jacob, offre, certes, un intérêt historique indéniable ; mais on peut regretter que l’ébéniste ait négligé tout rappel du goût oriental qui inspira la décoration de cc merveilleux cabinet. On a retrouvé, éga-lement, un tapis de la Savonnerie, un des plus parfaits exemplaires qui’ soient sortis de cette manufacture. Malgré que, pour une raison demeurée ignorée, ses dimensions ne correspondent pas exac-tement à celles du Boudoir Turc, il n’est pas douteux qu’il ait été commandé pour cette pièce ; les motifs de turbans et de croissants, les aigles, emblèmes de Marie-Antoinette, l’indiquent assez. Cc tapis figurait dans l’inventaire du palais de 1806 ; puis il disparut. Après bien des tribulations, il se retrouva à La Mal-maison et vient de faire retour à Fontai-nebleau en même temps que le mobilier de Jacob. L’Exposition est dominée par deux des plus belles tapisseries des Gobelins, tis-sées de soie et de métal, de la série de l’Histoire du Roy, d’après Lebrun et Van der Meulen (L’Entrée de Louis XI I7 ci Dunkerque et d Lille). La section de peinture est très instruc-tive parce qu’elle permet de relever des signatures d’artistes peu ou mal connus du xvite siècle, Bardin, Blanchard, Ro-bin, etc., autant de petits maîtres qui çurent leur célébrité et contribuèrent largement à la décoration des demeures royales. La plupa:t des toiles exposées, ont été envoyées par le Louvre, après 1870 (M. de Chennevières, en avait dressé alors le catalogue), ou transportées à Fontaine-bleau par le Garde-Meuble National pour servir à l’ornement des appartements du Président de la République. Il faut re-marquer une toile de Bachelier, allégorie aux Alliances (le la France, qui fait par-tie d’une suite de décorations exécutées pour la Salle du Dépôt des Affaires Étran-gères, à Versailles ; c’était l’ancien hôtel Choiseul, aujourd’hui Bibliothèque mu-nicipale, rue Gambetta. où l’on retrou-verait peut-être le complément des déco-rations de Bachelier. Signalons encore des oeuvres intéres-santes de Ch. Coypel, Jeaurat, Van Loo, Taraval, Joseph Vernet et J. Michelin (1623-1696), qui a signé une curieuse copie de la Sainte Famille, de Raphaël. L’original, qui est au Louvre, fut acheté 25.000 livres par François I’ pour orner le Cabinet du roi, alors installé à Fontai-nebleau même. Enfin, on a mis au jour deux tableaux de tout premier ordre par leur qualité. leur importance et les noms des artistes qui les ont signés : Une Chasse aux lions en Chine, par Pater et une Chasse aux léopards, par Lancret. Ces peintures ornaient, autrefois, les petits apparte-ments du roi, à Versailles, et faisaient partie d’une série représentant diverses chasses de pays étrangers. Ce fut trie véritable surprise de les retrouver pêle-mêle avec (l’autres toiles d’intérêt mé-diocre, dans les parties les plus reculées des magasins du Palais. L’activité artistique a donc repris à Fontainebleau et nous croyons savoir que. l’an prochain. nous y serons conviés à une nouvelle exposition qui réjouira les biblio-philes. Il s’agira de montrer une recons-titution de la célèbre bibliothèque du Château. Cette bibliothèque a été un jour décapitée (le ses raretés les plus précieuses. M. Léopold Delisle s’imaginait, clans son enthousiasme pieux pour la maison qu’il dirigeait, la Bibliothèque Nationale, que ce grand dépôt devait accaparer à lui seul toutes les richesses bibliographiques de France. Il était parvenu à obtenir que les plus beaux livres de Fontainebleau loti soient attribués. Avec l’assentiment des pouvoirs publics, on pourra, sans doute, faire rentrer au bercail ces volumes qui, joints à ceux demeurés en place, suffi-raient à constituer une exposition des plus intéressantes. En quittant l’Exposition du Jeu de Paume, nous avons eu la curiosité de pénétrer dans une série d’appartements. tennis encore au public et dont il a été question ici mème. il y a quelques mois. Nous avions dit l’intérêt qu’il y aurait à faire abandonner certains locaux par le service de l’Artillerie qui en avait, depuis longtemps, pris possession ; inté-rêt de protection. ‘car le chauffage par des poêles et des cheminées constituait un danger permanent d’incendie ; inté-rêt artistique, car le public n’était pas admis à admirer quelques-unes des plus charmantes boiseries (lu Château. Grâce à l’initiative de M. Vincent, gardien-chef, et à l’énergique pression de M. Clemenceau, l’Artillerie a consenti à évacuer les Appartements des Princes, appartements où, pendant tout le xvt lir siècle, les princes habitaient, lors-qu’un court déplacement de chasse ne motivait pas l’ouverture des galeries du Château. On pourra donc bientôt visiter cette suite de pièces qui prennent jour sur la Cour de l’Artillerie et qui se composent, au rez-de-chaussée, (l’une grande chambre, celle où est mort le Grand Dauphin, en 1761, revêtue de boiseries de style Louis XVI qui paraissent avoir été exécutées vers 1770 ; d’une dett’xitme chambre ornée de boiseries, de glaces et d’une cheminée d’époque Louis XV, de la plus belle qualité. Au premier étage, deux autres pièces ren-ferment également d’admirables boi-series Louis XV et Louis XVI. Reste à savoir comment on pourra meubler ces quatre magnifiques chambres. Le Mobilier National n’est pas riche et ne consentira pas volontiers à céder le peu qu’il conserve. Il faudra, sans doute, faire appel à la collaboration des ama-teurs et c’est à cette tâche bienfaisante que pourrait s’adonner l’activité de la Société des Amis de Fontainebleau. A Versailles. LE CHATEAU. — On sait que M. André l’ératé, qui était conservateur-adjoint depuis de longues années. a recueilli maintenant la succession (le M. Pierre (le Nolhac, appelé à diriger le Musée Jaquemart-André. M. Gaston Brière est passé lui-même conservateur adjoint. On voit que le palais de Versailles, qui avait pris une physionomie si magnifique et d’une si grande valeur éducative, reste en bonnes mains. Malheureusement, les crédits ne sont pas à la hauteur (les ré-parations urgentes et des améliorations qui restent à accomplir dans cet illustre domaine qu’on pourrait appeler le « Con-servatoire de la tradition française ». De mème pour l’entretien. Combien on sou-haiterait (le voir le parc mieux fleuri, les bassins plus clairs, et les statues dé-barrassées d’une lèpre aussi laide que dangereuse ! Cependant, les travaux intérieurs se poursuivent, et il est bien intéressant de constater que l’heure approche où l’on pourra voir accomplie la soudure du rez-de-chaussée, dans le corps de logis du milieu. Patiemment, et suivant une sûre méthode, M. de Nolhac avait succes-sivement reconstitué ces belles salles claires dont les fenêtres s’ouvrent de plain-pied sur la terrasse, au Midi et à l’Ouest. Ce sont les appartements qui furent occupés au ‘Mlle siècle par le Dauphin, et que Louis XIV avait pris plaisir à montrer, en 1689, à Jacques II, roi d’Angleterre : ils étaient somptueuse-ment garnis de meubles de Boulle, de miroirs d’Italie, de cabinets incrustés, ornés de plafonds par Mignard ; rien n’a subsisté de tout cela. Ces pièces furent ensuite habitées par le Régent, qui y mourut. Puis, par le Dauphin Louis de France, lors de son second mariage avec Marie-Josèphe (le Saxe ; on voit encore le boudoir vert (l’eau (décoré par Maurisant), la biblio-thèque, le salon (qui fait l’angle, FIND ART DOC