434 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE L’éducation du public aléma-nique s’est donc faite, non pas théoriquement et d’une façon livresque, mais par la vision directe des tableaux. A peine une conférence de M. Gabriel Mourey a-t-elle donné, à Zurich, des notions théoriques sur l’im-pressionnisme. Pourtant le goût, et non pas la mode, de la pein-ture française s’est très rapide ment propagé — un goût auss.1 vif et sincère qu’averti, — qui, tout de suite, est allé sans par-tage vers notre École impres-sionniste : celle-ci règne en maî-tresse incontestée dans la Suisse orientale. Leur préférence aussitôt fixée, les amateurs se sont empressés d’acheter de nombreux ta-bleaux français. Avec la colla-boration de certains conseil-lers, ils peuplèrent rapidement leurs collections. Les toiles qui avaient été admirées dans les différentes expositions essai-mèrent vers les galeries par-ticulières. Chacun voulut avoir son Renoir, son Monet, etc., à côté de Delacroix, Courbet ou Daumier. Et bientôt les mar-chands qui, jusque-là, n’of-fraient que Liebermann ou lsraêl n’avaient plus que Cé-zanne, Sisley ou Pissarro. Citer des noms de collection-neurs, en indiquant les richesses qu’ils détiennent, serait froisser nos amis. Au mérite gle leur goût, ils joignent celui de la modestie. Ils ont horreur de ce qui pourrait ressembler à de la réclame tout bruit fait au-tour de leurs tableaux, quelque discret et flatteur qu’il veuille être, leur parai-trait une inconvenance. Ils n’en tirent MUSÉE DE WINTERTHUR. VUE EXTÉRIEURE. nulle gloriole, mais les gardent comme un trésor — parfois même jalousement, — ne les montrant qu’à leurs amis et aux initiés qu’ils en jugent (lignes. Mais quand on a la chance d’être introduit chez eux, comme on sent que nul sno-bisme n’a guidé leur choix ! Comme l’on constate le sincère plaisir qu’ils éprouvent à regarder, une fois de plus, les oeuvres dont ils sont devenus les gardiens ! Jamais non plus, au cours de la conver-sation, l’amateur suisse ne fera d’allusion, même la plus légère, à la valeur matérielle de ses toiles : pour lui ce sont uni-quement des objets d’art faits pour la joie des yeux. Aussi n’en fait-il pas un objet de spé culation, même pour achete ensuite un tableau qui lui plaie rait davantage. A Zurich, le collectionneur tient à ses ac quisitions. Son choix n’a été arrêté qu’après mûre réflexion il ne le rétracte jamais, cher chant seulement à augmenter le nombre et la qualité des oeuvres qu’il réunit. Et c’es ainsi que l’on voit des collet tions ne renfermant pas moins d’une vingtaine de toiles de Renoir, d’autres qui comptent parmi les jeunes, autant d’œtt vres de Bonnard ou une dizaine de Vuillard — et cela à côté de plusieurs Delacroix ou Dau-mier. Ce sont de véritables musées. Que ceux qui, aussi bien à Zu rich même que sur les bords di Lac, à Mânnedorf ou à Win ter thur et à Baden, nous ont ou-vert si cordialement les portes de leurs galeries et qui ont donné à un Français cette suprême fierté de constater le rayon-nement de l’influence artistique (le son pays à l’étranger, que ceux-là, tout anonymes qu’ils veuillent rester, trouvent ici l’expression de notre profonde grati-tude pour le plaisir qu’ils nous ont causé R. TISLER. NIUsÉE. WI rI ER1 HM SALLE D’EXPOsIl ION DES PEINTRES FRANÇAIS:, EN 191(i.