I A RENAISSAN∎ r DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 417 POINT EN L’AIR. — TABLIER. — XVI, SIÈCLE. Je ne veux pas rechercher, en ce moment, quel fut le berceau de la dentelle. L’art n’a pas d’état civil qui puisse témoigner de son âge ou de sa patrie ! Il est peut-être arrivé en même temps qu’une blonde dame vénitienne demandât à son peintre un croquis léger et transparent pour garnir le décolleté généreux de sa chemise, et qu’une pensionnaire du Béguinage de Bruges trouvât moyen d’achever les bords de la nappe d’autel avec un travail semblable… C’est ainsi que naquit, sans doute, vers la fin du xve siècle, ce petit art féminin pour garnir le linge, dont l’usage com-mençait à se généraliser. Il est un fait certain : c’est à Venise qu’eurent leur berceau et se développèrent ensuite les dentelles à l’aiguille, filles de l’art très ancien de la broderie. 11 était, du reste, naturel que Venise, seigneuriale parmi toutes les villes de jadis, magnifique et superbe, telle que nous la voyons dans les tableaux du Titien, de Palma, de Pâris Bordone, se passionnât rapidement à ce nouveau Luxe blanc, si discret dans sa richesse et si distingué. Les dames, leurs amies, leurs servantes, travaillaient avec ferveur pour embellir le linge personnel, la table, le lit, pour offrir des cadeaux à l’Église et aux prélats. Nous voyons, en effet, la dentelle apparaître dans les tableaux au commencement du xvIe siècle, en même temps que les brochures de modèles que l’on imprime et réimprime par centaines d’exemplaires, attestant le rapide succès de ce nouveau travail de la femme. C’est toujours Venise qui offre le plus grand nombre de ces publications, et les auteurs les plus remarquables dans cette matière ne sont que des Vénitiens, tels que Vin-ciolo, qui fut mandé par Catherine de Médicis à Paris et qui publia, en 1587, la première édition de Singuliers et nouveaux portraicts du seigneur Fédéric (sic) Vinciolo pour toutes sortes d’ouvrages de lingerie, et cet ouvrage est encore édité en 1658 (r). Les brochures des environs de 1525 ne contiennent que des dessins pour tisserands et brodeurs ; au fur et à mesure, ils s’enrichissent ensuite de modèles pour filets brodés et lacis, puis pour point coupé, jusqu’à ce que, ayant abandonné le tracé géométrique dans la deuxième moitié du siècle (le premier fut César Vecellio, cousin du Titien), on soit arrivé à créer des dessins de point en l’air. (i) Édition de 16°6, reproduite en fac•simile par l’Institut des Arts gra-phiques (Bergame). FIND ART DOC