LA RENAISSANCE 11E L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE Ir11111■11111ME INTÉRIEUR (APRÈS DINER). me rappelle la marche de Claude Monet qui, trapu, solide et calme, heurtant de sa canne avec vigueur le trottoir, avait la forte allure d’un fier et libre campa-gnard sur une grand’route. Dans la salle de spectacle, pleine du Tout-Paris le plus brillamment falot, personne ne le connaissait et pourtant tout le monde se tournait vers lui. Ses grands yeux au regard aigu, sa longue barbe presque encore toute noire, la broussaille de ses cheveux drus, l’impression de force qui se dégage de tout son être, attiraient l’attention. Lorsqu’il s’assit au premier rang de la loge, les assistants, sans pouvoir mettre un nom sur cette puissante figure, avaient eu la sensation confuse qu’un homme venait d’entrer. Après, ce furent les séries glorieuses des Peupliers, inscrivant l’arabesque de leurs fines et hautes lignes sur des ciels peints en toutes les saisons, par tous les temps, à toutes les heures, des Meules, irradiées de lumière, projetant sur le guéret leurs ombres douces et nuancées, couvertes de gelée blanche où le soleil scintille, des Cathédrales, dont les vieilles pierres chantent subtilement sous les caresses du soleil, des Nymphéas qui, sur le mystère des eaux dormantes, parmi les verdures épaisses, s’ouvrent comme des fleurs de rêve. Exigeant pour lui-même, jamais satisfait de son effort, effaçant et brûlant des toiles magnifiques dont il est le seul à ne pas se contenter, nerveux et tourmenté sous son apparence si robuste, solitaire et laborieux parmi 407 ses beaux arbres de Gi-verny, Claude Monet conti-nue son oeuvre avec ferveur et avec d’admirables scru-pules, pour la joie de créer et parce qu’il ne peut faire autre chose. C’est sa raison d’être dans la vie. Il peint comme on respire. Tous les jours il travaille, et sans cesse. Noble et superbe existence ! En août-septembre 1914, lorsqu’on pouvait tout craindre pour la région nor-mande qu’il habite, c’est devant son chevalet, la pa-lette à la main, sans consen-tir à se déranger de son labeur, qu’il attendit les hordes allemandes. Mais, patriote tendrement atta-LE DÉJEUN LR.