LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE Grands devanciers, de qui, hélas ! les conceptions naïves et grandioses, se re-liant à la majesté et à la somptuosité byzantines, n’ont laissé sur les murailles de nos cathédrales romanes que des traces presque éva-nouies, enseignez aux jeunes artistes le recueillement et la sincérité. Foucquet, Froment, et vos frères anonymes ou des-tinés à retrouver un nom glorieux, montrez, à l’obser-vateur patient des techni-ques, l’opulence raffinée de vos peintures, précieuses comme des miniatures, et de vos miniatures, grandes comme des peintures ! Claude Lorrain livre à leurs investigations l’art de rendre la lumière d’argent des soleils matinaux, la lu-mière d’or des méridiennes, l’émouvante pourpre des soirs incendiés ! Poussin, noble et austère entre tous, redis-leur ta grande parole : « Je n’ai lamais rien négligé. » Ramène leur esprit vers les grands mythes religieux ou païens puisque tu sentis si bien les uns et les autres ; tu ne les induiras pas, pour cela, en pastiches académiques, mais au contraire, tu leur conseilleras d’appliquer leurs facultés aux grandes conceptions humaines de l’esprit moderne. Le Brun, Mignard, décorateurs imposants, mais aussi merveilleux créateurs d’ceuvres, révélez-vous enfin à des yeux plus attentifs comme maîtres du style, sachant quand il leur plaît exécuter un morceau sans rival ! Le Sueur, communique ta foi suave et ta délicate tendresse aux artistes capables de méditation, par la contemplation de tes ascètes comme de tes Muses ! Superbes metteurs en scène de théâtre, De Troy, Coypel, inspirez la verve de ceux qui n’ont que de la verve, ce qui est déjà beaucoup, mais donnez-leur en même temps des leçons de goût. Puissants portraitistes, Rigaud et Largillière, égaux, sinon supérieurs, aux plus grands portraitistes de tous les temps, livrez généreusement vos secrets pour donner du caractère à une effigie richement peinte. Et vous, quatuor subtil, aux harmonies enivrantes, CL. Ot’LLOZ. J AN -AUGUSTE-DOMINIO I INGRES. PORTRAIT DE L’AU II atusia: ou LouvicE. 401 violon éthéré de Watteau, second violon prestigieux de Boucher, alto sensuel de Fragonard, basse large et profonde de Chardin, pro-diguez, multipliez vos har-monies. Dites, l’un, l’attrait du romanesque, les autres, le lyrisme fleuri de la vo-lupté, le dernier, l’autorité convaincante de la bon-homie ! Nous avons déjà célébré votre grandeur, Gros et Géricault, peintres épiques, lorsque vos places furent reprises naguère ; mais ce nous est une heureuse oc-casion de la redire. Et toi, Prudhon, le pre-mier, par le sentiment et par l’intensité, de ce que nous appelons les peintres modernes », c’est-à-dire de ceux du bouillonnant x.. siècle, étudiera-t-on jainai. trop ta grâce pas-sionnée, adriclle si l’on veut, et antique pourtant ? Bientôt après, vous, Dela-croix et Ingres, jadis rivaux acharnés, aujourd’hui rapprochés en Homère et en Shakespeare, vous propage-rez, l’un, votre conviction opiniâtre, l’autre, votre fièvre féconde. Les sages peuvent encore devoir à l’un bien des vertus, à l’autre bien des inspirations. Enfin, terminons l’invocation par ces grands noms de Corot, de Millet, de Rousseau, de Courbet et de disciples d’abord incompris de tous les maîtres que nous venons d’invoquer, et devenus maîtres à leur tour. Plus près de nous, c’est encore la lutte des élé-ments et des forces, même lorsque les consécrations sont commencées. Vous tous, vous ne pouvez, s’ils vous invoquent, manquer de transmettre, à ceux qui entrent dans la carrière, tout ce par quoi vous êtes si beaux et vous méritez à si haut point notre culte. Quant à nous, simples passants convaincus, ou dé-voués stimulateurs des énergies, ou étudiants jeunes ou vieux de cette Beauté qui ennoblit et console, allons pieusement au Louvre, et entendons en silence, dans le concert auguste de vos voix, maîtres, gloire du passé et éclaireurs perpétuels de l’avenir, la voix même de la France ! ARSÈNE ALEXANDRE. IND RT DOC