398 I.. RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE Nous avons été en grand péril ma-tériel. Ces oeuvres de vous qui nous rappellent> les certi-tudes passées et qui nous doivent rendre l’espoir en l’avenir, elles ont failli être anéanties par les Barbares. S’il n’eût tenu qu’à eux, elles auraient subi le sort des cathédrales les plus admirées et des humbles joyaux de pierre de nos vil-lages. S’ils étaient entrés, comme ils l’avaient longue-ment rêvé, en vain-queurs dans les galeries où vous allez de nouveau attester le génie ininterrompu de la race française à travers les siècles, vos ouvrages se-raient devenus des trophées, des dé-pouilles opimes. Il a fallu, cependant, que ces ouvrages sans prix éprouvas-sent la tristesse et les dangers des exodes précipités et la longueur interminable des exils tandis que se décidaient les destinées de la Patrie. Mais le péril moral n’a pas été moindre, et il subsiste encore à ce point que votre rentrée en maîtres, dans votre noble Palais du Louvre, est plus opportune et sera plus efficace que ne le furent vos plus longues années de règne paisible. Si les Barbares ont été mis en fuite, la barbarie qu’ils ont déchaînée sur le monde entier et qui a pris des forces de contagion intense et tenaces, doit être chassée et dissipée à son tour. L’incertitude affaiblit les esprits les meilleurs. L’en-seignement, depuis des années, est trop incertain pour laisser dans les esprits des racines assez vigoureuses et assez profondes. Les aînés n’exercent pas une auto-rité assez grande parce qu’ils n’ont peut-être pas donné des exemples assez hauts et assez fermes. Les jeunes, malgré leur désir de créer à leur tour, n’ont pas de discipline parce qu’on n’a pas su leur donner une foi en harmonie avec leurs aspirations, tout en se ratta-chant aux traditions de leurs pères. L’attrait de l’ab-surde, du difforme, la séduction du moindre effort, le CL. RENAI,,I.ANCE. NICOLAS DE LARGILLIÈRE. – PORTRAIT DE CHARLES LE BRUN. MUSE:E DL’ LOUVRE. telle on telle gamme de couleurs, position, mais on n’imite pas la grâce sans tomber dans l’affectation, témoins les extravagants pastiches de nos Trianons et de nos Versailles en Germanie. Quant à la bonté, qui émane de l’Art Français et qui éclate dans vos scènes de la vie humble, ô frères Le Nain, dans vos confidences attendries et robustes, Chardin, ainsi que dans tes poèmes infiniment suaves, toi, Corot, qui as su demeurer, comme peintre, le consolateur que tu avais à coeur d’être comme homme pendant ta vie, cette bonté n’a pas été plus grande ni plus diverse chez les meilleurs sous les autres cieux. Elle se fait épique avec Poussin, élégante et fan-tasque avec Watteau, mystérieuse et déchirante avec Prud’hon, grave et biblique avec Millet, lyrique et enflam-mée avec Delacroix, contenue et digne avec Ingres. Aussi ne saurait-elle, pas plus que la grâce, se contrefaire. A part Rembrandt, qui a toutes les magies, y compris celle de l’humanité profonde, vous pouvez, maîtres de France, être fiers de l’action généreuse de votre œuvre sur l’univers. D’autres, comme les’ géants italiens, mirage de l’incohé-rence sous le mas-que de la subtilité, ont exercé sur les plus rares natures leurs insidieux ma-léfices. C’est de vous, maîtres de l’Art Français, que nous devons attendre l’apaisement de ces fièvres, et la guéri-son de ces maux. L’Art Français ! Trop peu souvent, aux périodes heu-reuses, nous nous sommes rendu compte de ce que ces deux mots re-présentent de lu.- mière, de vigueur, d’originalité, de bonté, de grâce et de parfaite noblesse ! Ne craignons pas de le redire, la bonté et la grâce sont parmi vos ver-tus dominantes, par lesquelles vous triomphez sur main-tes autres Écoles. Car on peut em-prunter à l’art d’un pays telle forme, tel procédé de com-FIND ART, DOC