198 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE G. CIARDI. – LE BUCENTAURE. (APPARTIENT A LA CAISSE D’EPARGNE, VENISE). bon Lanzi, on voit naître certains styles, sinon parfaits, du moins originaux. » Sans remonter plus haut que le xviiie siècle, n’est-il pas certain que les peintres véni-tiens d’alors, les paysagistes comme Canaletto aussi bien que les peintres de figures comme Longhi, aient, parmi tous les artistes d’Italie, trouvé des modes nouveaux d’expression ? Ils n’imaginent plus, ils regardent ; ils s’attachent à la réalité ; ils travaillent d’après nature. Ils nous racontent la Venise de leur temps, celle qui avait vécu si brillamment et allait mourir comme une pau-vresse ; ils nous disent ses moeurs, ses modes, ses fêtes, son paysage, son décor, sa vie légère et charmante, si bien qu’avec leurs oeuvres, nous pouvons reconstituer la ville d’alors. De même, au milieu du ‘axe siècle, quand la liberté luit à l’horizon, Venise se réveille et une pléiade de pein-tres chantent à nouveau ses louanges. Ce sont les artistes que nous trouvons aujourd’hui réunis dans les salles du Petit Palais. Il y a, d’abord, les Vénitiens, ceux qui, nés à Venise, peignent leur ville natale, les morts comme Favretto et Ciardi, les vivants comme Fragiacomo, Marius de Maria, Emma Ciardi ou Milesi, auxquels nous pouvons bien joindre le plus grand d’entre eux, Ettore Tito, qui, quoique né à Naples, est vraiment Vénitien par sa vie et son oeuvre presque entières. Plusieurs des oeuvres exposées au Petit Palais viennent des musées d’Italie et, notamment, de la galerie d’art moderne de Venise. Je les avais, jadis, aperçues au pas-sage. Mais, vraiment au milieu des merveilles de la ville et.1 des lagunes, devant le spectacle •ns cesse changeant de sa lumière et de ses ciels, je n’avais guère songé à les exa-miner attentivement. Réunies aujourd’hui à Paris, je les regarde avec infiniment plus de curiosité et d’attrait. Comment, d’ailleurs, ma tendresse de Parisien que menaça le barbare du Nord, n’irait-elle pas vers cette soeur ita-lienne que voulut outrager l’autre barbare ? Pendant des mois et des mois, j’ai songé avec terreur que Venise pour-rait être détruite ; si cette idée ne trouble pas le sommeil des futuristes, qui rêvent de combler le Grand-Canal et de dresser des usines autour du bassin de Saint-Marc, comment n’aurait-elle pés été le cauchemar de ceux- qui ont encore le culte du Beau et la passion de l’Art ? Favretto est particulièrement bien représenté dans cette exposition. J’ai retrouvé sa fameuse Promenade sur la Piazzetta, du Musée de Venise, et vu avec plaisir son célèbre Al liston, dont la fantaisie rappelle Francesco Guardi et évoque des scènes de Goldoni. J’aime moins la réplique moderne de ce Liston, d’ailleurs inachevée. Mais quel esprit dans ses portraits, dans ce Flirt, et sur-tout, dans le tableau intitulé Vandalisme, où nous voyons un restaurateur en train de réparer un tableau ! De Guglielmo Ciardi, mort il y a deux ou trois ans, voici un Grand Canal v• du. Rialto et une Lagune d’un joli gris d’argent. A côté d’un tableau de son fils Beppe, sa fille Emma Ciardi, dont les Parisiens se rappellent les scènes du xvilie siècle dans de beaux décors de jardins, est assez pauvrement représentée ; c’est que l’exposition est strictement limitée aux vues de Venise. Trois petites toiles de Marius de Maria, aux fortes oppo-FIND ART, DOC