G. FAVRETTO. — LA PROMENADE DES VÉNITIENS AU XVIIIe SIÈCLE. (GALERIE D’ART MODERNE, ROME). VENISE VUE PAR LES PEINTRES ITALIENS DU XIXe SIÈCLE CELLE qui est, depuis un siècle, la grande inspira-trice des écrivains et des artistes, n’inspira point, jadis, autant de pages ou de tableaux que l’on pourrait croire. Plus qu’elle, Rome attirait les peintres et les poètes. C’est ainsi que je me suis souvent étonné que Jean- Jacques Rousseau ait pu rester dix-huit mois à Venise, sans consacrer une ligne à la beauté, ou tout au moins au pittoresque de ses rues et de ses canaux. Ce fut le Romantisme et, plus exactement, Byron, comme je crois l’avoir démontré dans une étude sur Chateaubriand, qui lança, si j’ose dire, Venise. Après lui, tous les écrivains, tous les peintres rêvent de cette ville qu’il a emplie-de ses scandales, de ce Lido qu’il parcourait à cheval en déclamant ses vers, de cette Adriatique qui, tant de fois, avait roulé son beau corps. Mais, s’il faut attendre le Romantisme pour que les peintres étrangers s’aperçoivent du magnifique sujet que Venise offre à leurs palettes, les Vénitiens, eux, ont tou-jours aimé et célébré leur ville. L’exposition du Petit Palais nous en donne une nouvelle preuve. Y eut-il jamais, de par le monde, un plus beau trio que Canaletto, Guardi et Bellotti pour chanter ensemble la gloire d’une cité ? S4 S:-.1 S:34 Certes, après eux, il y a une période terne et grise. Mais il en est de même dans toute la péninsule. L’art, délaissé, retourne vers un pseudo-classicisme où s’en-lisent de médiocres talents. Le mouvement romantique lui-même n’arrive pas à réveiller les artistes locaux. Pen-dant quelques années, Venise donne l’étrange spectacle d’une ville où les artistes et les écrivains de toute l’Eu-rope viennent s’exalter et où l’art semble éteint. Alors qu’Alfred de Musset, dans son curieux Salon de 1836, peut s’arrêter devant plusieurs Venise et, notamment, devant le célèbre Départ pour la péche, de Léopold Ro-bert, parmi les Vénitiens d’alors, qui chante Venise ? C’est que l’asservissement et le joug étranger pèsent lour-dement sur les esprits et les coeurs. Heureusement, pour le jour de la libération qui tarde, le feu couve sous la cendre. Et c’est au moment où le prince de Metternich appelait l’Italie « une expression géographique s, où Lamartine parlait avec mépris de la « terre des morts », que Canova exécute ses chefs-d’œuvre, que Volta révo-lutionne la science, que Foscolo écrit ses Tombeaux et Manzoni ses Promessi Sposi. Une fois de plus, l’Italie était la « semprerinascente » chantée par le poète. Venise ne pouvait rester à l’écart. « A Venise, dit le FIND ART DOC