182 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE fois la même porte monumentale, semblable, dans la forme générale, à celle qu’avait représenté Véronèse au fond de l’Annonciation de Venise et de la Reine de Saba offrant ses présents à Salomon (r). Au Palais Labia, sur le Cannareggio, Tiepolo composa un décor symétrique qui convenait parfaitement pour le Festin d’Antoine et de Cléopâtre ; derrière la table et les convives s’élèvent d’élégantes colonnes corinthiennes soute-nant un balcon où se penchent des musi-ciens ; entre les co-lonnes apparaissent des statues, une blan-che pyramide, de sombres cyprès régu-lièrement taillés et une porte monumen-tale qui annoncent un vaste parc. I ciel, très bleu, ou volent des oiseaux, prend à l’horizon des teintes vives, dorées et mauves rayées de bleu. A Venise encore, au palais Papado-poli, Tiepolo imagina un décor de fantaisie où se meuvent des masques et une foule bigarrée. Auprès d’une maison véni-tienne et d’un mur dominé par une sta-tue, un pin parasol et un sapin président au Menuet. Le pin parasol et le sapin sont, avec le cyprès, les arbres que Tiepolo a le plus souvent représentés dans son oeuvre. Un pin parasol, exagérément svelte, met une note pittoresque dans la Destruction de l’Hérésie (2) ; il assiste, pareillement tordu, au Martyre de saint Sébastien (3); le sapin se joint à lui pour figurer la flore du désert où prêche saint Jean-Baptiste (4). Et les cyprès, sévèrement taillés au Palais Labia, poussent en liberté au bord du Jourdain (5). Le palmièr figure auprès du Christ guérissant un aveugle (r) ; il voisine avec le pin parasol dans la Rencontre d’Antoine et de Cléopâtre (2). Ayant à exécuter pour l’église delle Grazie, d’Este, un tableau d’autel, Tiepolo peignit Sainte Thècle déli-vrant la cité de le peste, oeuvre d’un réali-.me saisissant, où il retraça l’image de la ville en proie au fléau. Mais ce n’est pas une de ces villes convention-nelles ou fantastiques comme en peignaient Titien et Véronèse ; on sent que Tiepolo s’attacha à donner l’impression de la réalité; les maisons sont groupées sans ordre, des campàniles et une tour se dres-sent çà et là; des nuées noires assom-brissent et attristent son aspect. Tiepolo s’est sur-tout dévoilé peintre de paysage à la Villa Valmarana, près de Vicence. Mais ce n’est pas en peignant le cadre un peu conven-tionnel qui s’harmo-nise fort heureuse-ment d’ailleurs avec les héros empruntés à la mythologie, à la Jérusalem délivrée, au Roland furieux, à Énéide. Avec les couleurs les plus gaies et les plus claires de ea. riche palette, il peignit pour eux des cieux roses, bleus, gris perle, orangés, dorés sur lesquels se détachent des mon-tagnes mauves ; les premiers plans sont verdoyants ; on retrouve les arbres spirituellement brossés de Tiepolo : le sapin et le pin parasol. L’architecture ne tient plus qu’une place secondaire ; elle eut alourdi ces gracieuses fantaisies qu’allègent encore un décor de rêve. Ce n’est pas non plus en se découvrant « peintre à la chinoise s que Tiepolo put se montrer observateur de la nature CANALETTO. — INTÉRIEUR D’UN PALAIS. (ACADEMIE DE VENISE). (1) Wurzbourg, Palais épiscopal : Pla/and du Grand Escalier, Renaud el Amide. Venise, Palais Labia : le Festin. (2) Turin, Pinacothèque royale : N.588. (3) Diessen, Église. (4) Trévise, Musée Civique. (5) Bergame : Chapelle Colleoni. (1) Ébauche appartenant autrefois au peintre Joseph Bertini ; vendue aux enchères. (2) l’aris : Collections Rothschild. FIND ART, DOC