LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE son rôle dans l’évolution du paysage con-sista surtout dans l’éduca-tion de son neveu Marco, un des princi-paux représen-tants de l’École bellunoise. Marco Ricci fut le premier et le meilleur des paysagistes vénitiens de terre ferme au xviiie siècle Il naquit, lui aussi, à Bel-lune et put admirer, sans se lasser,le mer-veilleux spe( • tacle offert cha-que jour à ses jeunes yeux. Des bords de la Piave capricieuse, il pouvait voir le soleil rougeoyer et disparaître derrière les crêtes déchi-quetées, semblables à du carton bleu découpé par la main soigneuse d’un enfant ; cependant sue la lune se levait lentement au-dessus des onduleuses montagnes, il assistait au combat des• deux clartés : la lumière solaire luttait ardemment pourtant il savait que l’astre de la nuit triompherait ; les tons fauves du ciel s’étei-gnaient peu à peu et les gris argentés, les bleus-noirs, les verts sombres s’étendaient doucement sur les eaux, à la cime desDolomites, au ciel pur. Mais il ne sut, malheureu-sement, donner dans son oeuvre qu’un reflet indigne de cette éblouissante féerie. Marco Ricci, préparé par son oncle et aussi par Magnasco, le génois imitateur de Salvator Rosa, se tourna vers la nature et se voua à sa représentation. Mais il ne s’attacha pas à la reproduire fidèlement ; il la prenait plutôt au décoratif, comme Joseph Vernet et Hubert Robert le feront, généralement, en France, au xvnie siècle. Sa peinture, d’aspect peu soignée, donne une impression de hâte. L’Académie de Venise en possède trois exemplaires caractéristiques. Le Paysage au torrent et le Paysage d l’abreuvoir se font pendant ; on y voit des groupes d’arbres, parmi lesquels un bouleau, arbre que Ricci semble surtout s’être plu à reproduire ; son fût clair s’argente sous la lueur du soleil couchant et son feuillage doré 177 J.-B. TIEPOLO. — LE CHARLATAN. (PALAIS PADADOPOLI, VONISE). r prend des teintes automnales. Ces arbres sont plus brossés que peints, les ruisseaux et les torrents sont traités conventionnellement ; un tronc moussu ‘que la foudre n’a pas entièrement abattu, un village au vieux campanile dans la vallée, des cavaliers qui font un temps de galop sous le jour finissant, des bergers qui reposent, des moines qui s’attardent le long de la route, forment un ensemble un peu froid, mais non pas vul-gaire et déplaisant, comme on en verra parfois dans les toiles de ses élèves (1). Le Paysage avec la chute d’eau montre une cascade aux flots bouillonnants et écumants, un ciel rempli de nuages sombres et menaçants, des arbres que le vent ploie ; tout annonce l’approche de l’orage. Ce paysage, empreint d’un sentiment tragique et peu émouvant eût été le cadre idéal d’un drame romantique (2). Marco Ricci, qui fut un assez bon peintre de figures, aida son oncle Sebastiano dans ses grands ouvrages. Le Musée de Vérone garde un exemplaire de leur collabo-ration, qui fait penser qu’ils eussent gagné à travailler plus souvent ensemble. C’est un Paysage avec ruines et des figures accessoires. Fûts de colonnes, bas-reliefs, chapiteaux, vases, sont amoncelés au pied d’une statue mutilée. Des touffes de verdure poussent dans les interstices des pierres, un chardon en fleurs (I) Acad. de Venise, N°’ 457 et 456. (2) Acad. de Venise, N° 454• FIND ART DOC,