J.-B. TIEPOLO. — VENISE, REINE DE LA MER, (PALAIS DUCAL, VENISE). LE PAYSAGE DANS L’ART VÉNITIEN AU XVIIIE SIÈCLE (I) e e e DEPUIS la mort de Tintoret, en 1594, jusqu’à la fin du xvtle siècle, la peinture de paysage dans l’art vénitien est très négligée, presque complètement abandonnée. Elle renaît au seuil du xvirre siècle, trans-formée par les influences de peintres étrangers à l’École vénitienne, et pour le goût du jour. Le paysage ne sert plus seulement de décor aux personnages de la Bible ou de la Fable comme chez Bellini et son école ; il ne s’unit plus intimement aux figures, comme dans l’oeuvre d’un Giorgione ou d’un Titien. La nouvelle École laisse à la nature toute l’importance et les personnages tombent au rang d’accessoire. Tiepolo, se réclamant de Véro-nèse, donne encore la nature et l’architecture comme cadre à ses compositions fabuleuses. Les peintres de la lagune s’attachent, le plus souvent, à la scrupuleuse vérité ; aussi parsèment-ils généralement leurs vues de Venise ou d’autres cités, de petites figures accessoires Mais pour eux, comme pour les peintres de paysage, l’intérêt principal est dans la nature et dans sa repré-sentation, fantaisiste ou rigoureusement exacte. Ceux que l’on appelle parfois les paysagistes de Bel-lune parce que Sebastiano Ricci, fondateur de l’école, naquit au pied des Dolomites, au bord de la Piave, à (t) Ce chapitre est extrait d’un livre en préparation : L’Evohdion du Paysage dans ta Peinture vénitienne, depuis tes Byzantins jusqu’el la mort de Francesco Guardi (txt•-xvitt. siècles). Bellune, inaugurèrent un genre nouveau : le paysage de terre ferme. Leur mérite est d’avoir voulu ramener l’artiste vers la nature ; l’intention excellente, quoique le résultat de leurs efforts n’ait pas toujours été des plus heureux. Si, à Venise, pendant la plus grande partie du xvile siècle, les paysagistes sont fort rares, il en était autrement ailleurs : les français Poussin et Claude Lorrain magnifiaient la nature et la peuplaient de figures historiques ou allégoriques les Bolonais et un Napolitain, Salvator Rosa, qui fut leur disciple, consa-craient à la nature une partie de leur oeuvre. C’est peut-être de ce côté que l’on doit chercher l’origine de cette faveur renouvelée du paysage à Venise. Sebastiano Ricci, né à Bellune, en 1660, se rendit très jeune à Venise où il travailla sous la direction de Cer-velli, imitateur de Luca Giordano, lequel s’était inspiré des Bolonais. Il voyagea beaucoup en Lombardie et s’inspira du génois Magnasco (r), imitateur de Salvator Rosa ; à Paris, il fut nommé membre de l’Académie de peinture et dut connaître les oeuvres de Claude Lorrain, de Nicolas Poussin et même du Guaspre. Pourtant, quoique dans ses fonds de tableaux quelques indications de décor extérieur fassent prévoir un retour à la nature, (t) Cf. Burckhardt, p. 824. FIND ART, DOC