appeler la transfigu-ration éventuelle des êtres! Est-il rien de plus enchanteur que ces seules lignes ? Applique ton esprit, en cheminant, à faire le soir des visages d’hommes et de fem-mes, lorsque le temps est mauvais ; que de grâce et de douceur se voit dans les vi-sages ! n Ou encore cette comparaison délicieuse : Note comme le mouvement de la surface de l’eau ressemble à celui d’une chevelure. » C’est cette splen-dide faculté de regar-der, — et de voir (et répétons que nous pouvons tous la dé-velopper en nous) qui est une des causes de l’universalité chez Léonard. Aussi, en quels sarcasmes mer-veilleux éclate- t -il contre lesspécia/istes! Le bon peintre doit tout peindre ; le do-maine qui s’offre à lui est immense. Même si, passant de ses théories à sa création, l’on s’en tient à un simple aperçu sur son oeuvre de peintre, on découvre que des pages nombreuses seraient néces-saires pour la commenter et la décrire sans l’expliquer complètement. Historiquement, malgré le travail si consciencieux de Müntz, les pages subtiles de Gabriel Séailles, les pro-lixités vulgarisatrices, malgré tout belles par la convic-tion et la ferveur, de feu Péladan, il restera toujours à déterminer cert aines questions capitales de filiation, de production, d’action et de réaction de ses oeuvres. Comme dans son mouvant et mystérieux Saint Jean-Baptiste, la forme s’en devine comme si nos yeux pouvaient la percevoir; elle se perçoit « comme s’ils pouvaient la de-viner. Elle est écrite et elle ne l’est pas. On ne peut, maté-riellement, dans ce modelé, pointer avec exactitude où LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 171 PORTRAIT DE LÉONARD PAR LUI-MÊME. — SANGUINE. (TURIN. PALAIS-ROYAL). commencent et finis-sent l’ombre et la lumière, ni affirmer laquelle est la déter-minante de l’autre. La Joconde même de-meure l’éternelle in-connue. Son sourire est écrit, dans une moitié du visage, par les mêmes signes que la tristesse. La Cène est une ruine telle que sous les ravages de l’humidité, de l’effri-tement, des restaura-tions, on a pu soutenir qu’il ne reste que des parcelles éparses, in-fuses, du travail ori-ginal de la puissante main. Mais l’émana-tion du cerveau a été si intense qu’il de-meure dans tout l’en-semble une vie émou-vante. Lorsqu’on se décidera à étudier scientifiquement, mé-thodiquement ,les lois de la radio-activité en art, c’est peut-être autant la Cène que les oeuvres de Rem• brandt qu’il faudra tout d’abord prendre pour base. Les oeuvres de Léonard, en effet, projettent encore leur rayonnement même après leur quasi-destruction. Cela ne nous aide-t-il pas à com-prendre, tout au moins par analogie, comment nous percevons actuellement les rayons d’étoiles depuis long-temps éteintes ? De même, c’est le privilège des grands génies de l’humanité de continuer leur action à travers tous les obstacles, toutes les imperfections et toute la mortalité de la matière. Je vous supplie de croire que tout cela, ce n’est pas des mots, mais des vérités rigou-reuses, tangibles à ce point qu’elles se pourraient chiffrer, mesurer par des instruments, ne fût-ce que par feuil, le plus merveilleux de tous. Maintenant que nos musées sont rouverts, vous pourrez mieux vous rendre compte de ces faits pas assez analysés : du rayonnement que dégagent les œuvres vraiment vivantes, même lorsqu’elles son IND ART DOC