34 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE l’aspect d’une étoffe ; un assemblage de triangles doit suffire à figtirer un profil de femme, des ailes d’anges, le lointain vaporeux d’un paysage ou un plat d’oranges. C’est, en un sens, assez pra-tique, et on acquiert la conviction qu’il ne faut pas une longue étude pour réussir dans ce qui s’appelle ici la • peinture rayonniste Les deux principaux artistes qui ont collaboré à cette exposition, Mme Gont-charova et M. Larionow, ne sont d’ailleurs pas des inconnus pour nous. Ilsont fourni des décors et des costumes à quelques ballets russes, tels • Le Coq d’or • et • Sadko “, de Rimsky-Korsakow; « L’Es-pagne de Ravel, et la • Triana d’Albeniz. Il ne viendra à personne l’idée de nier les innovations parfois très heureuses des artistes russes dans le décor du théâtre moderne : ils ont compris le parti qu’on peut tirer de la couleur et se sont efforcés de prouver que la perfection d’un décor ne réside pas dans la recherche du trompe-l’oeil et l’exactitude minu-tieuse des accessoires. Bakst est un grand artiste. Nous renon-çons à suivre ceux qui, exaspérant ses méthodes, ne nous offrent que des oeuvres volontairement informes. On reste per-plexe si l’on essaie de prévoir où de sem-blables théories nous mèneront. En examinant de plus près, on ren-contre de-ci de-là des qualités d’imagi-nation, d’ingénieux rapports de tons, notamment dans des dessins de châle, quelques figpres d’assez joli style, main où l’originalité d’invention disparaît pour peu qu’on se rappelle les fresques et mosaïques byzantino•russes. Notre confusion s’est accrue quand nous avons demandé quelques prix : ils oscillent entre 5oo et 2.000 francs; mais nous serions bien en peine de dire pour-quoi tel dessin se paie plus cher que tel autre. Nous voulons croire que la dimen-sion du cadre ne fait rien à l’affaire. Ajoutons que les acheteurs se sont jusqu’ici montrés très discrets. Peut-être ne souhaitaient-ils pas marquer de véri-table enthousiasme pour une propagande artistique qui semble à la portée d’une seule élite. A propos du Salon. On sait que, depuis de longues années. Degas n’exposait plus au Salon annuel. Il aura fallu attendre sa mort pour y voir figurer ses oeuvres à nouveau. On a eu durant quelques jours, au Petit Palais, la joie d’admirer cinq tableaux de Degas, choisis parmi ceux qui constituent la vente de l’atelier du peintre. On pensait tout d’abord que ces cinq tableaux re-prendraient. peu après l’inauguration du Salon, le chemin de la Galerie Georges Petit pour gagner, après avoir subi le feu des enchères, une destination que nous souhaitons n’être pas trop lointaine. Or, depuis le lundi 29 avril, l’un deux est assuré de demeurer d’abord accroché aux murs du Petit Palais jusqu’à la fin du Salon, puis sans cloute d’élire une place provisoire au Luxembourg, à moins qu’il n’entre d’emblée et de façon inamovible directement au Louvre. C’est la célèbre toile qui représente la Famille du Peintre. Degas n’avait jamais voulu s’en séparer . malgré des offres considérables. Il y a une dizaine d’années, un Américain qui la vit en avait en vain proposeloo.000 francs. Récemment, le Louvre en offrait aux héritiers Degas 200.000 francs sans plus de succès. Mais les amis de Degas ne per-dirent pas l’espoir d’assurer à la France la possessidn d’un chef-d’œuvre. Le plan ingénieux qu’ils dressèrent eut pleine réussite. Ils firent venir au Salon le tableau en question. ainsi que quelques autres sous le prétexte louable de consa-crer un panneau à une rétrospective de Degas, en juste hommage à la mémoire du maitre. Le 29 avril au matin, le Président de la République inaugurait l’exposition, ayant à ses côtés M. Lafferre, ministre de l’Ins-truction publique et des Beaux-Arts et toutes les hautes personnalités, officielles ou non, du monde artistique. M. Bartho-lomé, un des plus fidèles amis de Degas. un de ceux qui collaborèrent le plus acti-vement à l’achat patriotique que vient de faire l’Etat, fut le porte-parole de tous les enthousiastes du maître. On mit au cou-rant le président de la déception causée par l’insuccès des pourparlers engagés à propos du tableau. lin des membres de la famille Degas, qui se trouvait présent, déclara que la cession serait consentie moyennant 400.000 francs. Comme M. Laf-ferre, consulté, s’effrayait de l’énormité de la somme, le Président lui fit remar-quer que la caisse des Musées NationauZ était bien garnie et très capable de sup-porter un important prélèvement. Le mi-nistre se rendit, sur l’heure, chez le pré-sident du Conseil afin de connaître son avis et d’obtenir une autorisation. Il n’eut sans doute pas grand mal à la lui arra-cher car dans l’après-midi du même jour, notre Premier trouva le temps — quel-que invraisemblable que cela puisse pa-mitre — de consacrer une heure à la visite du musée. Il témoigna sa pleine approba-tion de l’acquisition et se montra ravi de l’ensemble du Salon, manifestation d’art particulièrement significative par l’époque où elle a lieu. (16 avril.) LE CURIEUX P.-S. — On nous demande l’adresse dcs Papiers Patrie. La voici : io, rue Coquillére. ANDRÉ GROULT. — 1)1 VERS•MEDBLE,