LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 21 RENOIR. — L’Ecole des Beaux-Arts était loin d’être, à cette époque, ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Elle n’avait, en ce temps, que deux cours : un, de dessin, le soir, de huit heures à dix heures, et, un autre, d’anato-mie, pour lequel sa voisine, l’Ecole de médecine, lui prêtait obligeamment un cadavre. J’allais quelquefois aussi à ces deux Gleyre que j’ap-prenais la pein-ture. Moi — Qui étaient vos pro-fesseurs à l’Ecole des Beaux-Arts ? RENOIR.— Par-mi les professeurs que j’y ai eus, je me souviens sur-tout de Signol. Un jour que je dessinais une figure d’après l’antique, Signol, qui corrigeait, passa près de moi. « — Vous ne sentez donc pas, s’exclama-t-il, que le pouce du pied de Germa-nicus doit mon-trer plus de ma-jesté que le pouce du charbonnier du coin ! » Et il répétait solennellement, les yeux au pla-fond : « Le pouce du pied de Ger-manicus ! » « Un de mes voisins, qui était mécontent de son dessin, dit, à ce moment, un gros mot… Signol prit le mot pour lui, et, croyant par surcroît que cela venait de moi, il me mit instantanément à la porte de Son cours. Son hostilité contre moi avait commencé le jour où il avait vu, par hasard, une étude peinte de moi : — Prenez garde de devenir un second Delacroix! s’était-il écrié, à cause d’un pauvre rouge, que j’avais mis sur ma toile. » Mot. — Il y a tout de même progrès; on commence à supporter, bien plus, à aimer votre couleur. J’ai rencontré justement, ces temps derniers, au Muséc du cours, mais c’était seulement chez Luxembourg, un de vos admirateurs, M. X… Il débor-dait d’enthousiasme : « — Renoir est le dieu de la couleur ! « Ce furent ses premières paroles ; puis, me conduisant devant la Mater Dolorosa : — Quel sacré dessin, tout de même, et quel dommage, qu’à sa couleur prestigieuse, Renoir n’ajoute pa,s:le dessin de Bouguereau!» RENOIR. — Je PORTRAIT DE Mus R. R. (ISA Corot. Et comme je lui laisse voir doutes. — Bah ! me fait-il, avec un clignement d’oeil signi-ficatif. Pour la campagne ! « Cuant à ce qui est de moi, aujourd’hui, je pourrais peindre avec du sirop d’orgeat, qu’on n’en vanterait pas moins le brillant de ma couleur; mais il fallait voir le sale bitume que j’avais sur ma palette, à l’époque où les gens commençaient déjà à me traiter de révolu-tionnaire! Je puis dire, du moins, que ce n’était pas avec un grand enthousiasme que je nageais dans le bitume; ne connais rien de plus drôle que les amateurs de tableaux. J’en ai vu deux, un jour, qui causaient de-vant une toile. – Sans doute il y a des quali-tés énormes dans cette machine-là, disait l’un, mais est-ce un tableau (le genre ou un tableau d’his-toire ? Mais le plus fort, continua Renoir… encore un nom dont je ne me souviens plus… vous savez bien ce marchand (le cravates qui achetait des Gus-tave Moreau… Bref, il me mon-tre. un jour, dans sa villa des envi-rons de Paris, deux petites croûtes en pen-dant signées discrètement mes mais j’étais maintenu dans cette voie par un march FIND ART