IO LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE Nationale, est certes un magnifique caractère. Mais c’est un caractère du passé. C’est renier notre temps et compromettre l’avenir de ne vouloir que le Garamond pour nos impressions d’aujourd’hui. On fait oeuvre plus raisonnable et plus utile en se servant pour les oeuvres contemporaines de beaux caractères contemporains, en soutenant ainsi le labeur inventif des dessinateurs et des fondeurs de caractères. E nobles et savants artistes qui de–1 puis une trentaine d’années ont eu un rôle si bienfaisant dans nos arts français du Livre, M. Eugène Grasset, M. Giraldon — après avoir montré par tant d’oeuvres exquises le plus pur sentiment de la com-position décorative appliquée au Livre — nous ont donné l’un et l’autre un caractère typographique d’une lisibilité harmonieuse et sobre. Sachons en profiter et souhaitons que nos fondeurs se tiennent en constant état de renouvellement. Le Livre français, vient hélas! de faire en la personne des frères Peignot, tombés tous les quatre au service de la Patrie, une perte qu’en vraie justice il faut dire irréparable. Ces fondeurs de caractères étaient de grands indus-triels aussi passionnément artistes que patriotes. Même aux temps heureux de la paix ils ne travaillaient qu’avec l’ambition de servir le pays. En exerçant leur profession ils ont vécu pour la France, dans le même sentiment qui les a fait mourir pour elle les armes à la main. Ce sont eux qui ont fondu le « Grasset » et aussi « Auriol », charmante création d’un artiste inventif et chercheur. Et lorsque la guerre ensanglanta le monde, ils venaient encore de lancer leurs « Cochins », si joliment constitués, avec le souci de la parfaite régularité moderne, d’après les plus belles lettres gravées du xviiie siècle. Caractères d’une grâce et d’une clarté toutes françaises qui ont en ce moment une si juste vogue. La brièveté nécessaire d’un article de revue d’Art ne me laisse pas le moyen de rappeler les titres des prin-cipaux ouvrages qui me donnent la certitude d’un renouveau, où le respect des bonnes traditions s’allie à l’esprit de recherche, ni les noms des artistes, artisans, éditeurs qui les ont réalisés. Ce qui importe d’ailleurs le plus, c’est la constatation d’un tel retour aux salutaires principes et d’une très apparente volonté de faire oeuvre moderne avec goût et avec le souci primordial de l’architecture. Comme à toutes les époques où le sentiment de la beauté renaît, ncus retrouvons ce souci aussi bien dans les moindres travaux de ville que dans le Livre propre-ment dit. Et nous connaissons de simples catalogues d’aujourd’hui qui font autrement honneur à la typo-graphie française que tels prétentieux volumes dits de « luxe », au format et aux dispositions bancroches, au caractère débile et agressif. C’est cette’ connaissance des belles choses du passé, des respectables traditions et des règles éternelles qu’on enseigne par la pratique à l’Ecole Estienne —l’unique école française du Livre — dont j’ai l’honneur d’étre le directeur. En même temps on essaye d’inculquer aux élèves, sur ces fortes bases, le-goût et le sentiment de la composition moderne, l’habitude de l’effort et la constante volonté de la recherche. Formés selon cette méthode et dans cet esprit, ils sortent de l’école avec la possibilité d’être dans l’avenir de très utiles collaborateurs pour les industriels du Livre ayant l’ambition que, chez eux, l’on besogne avec goût et avec le désir de mettre de la beauté dans le moindre travail. La tête de page, les lettres ornées et le cul-de-lampe qui ornent cet article — modestes travaux courants de l’Ecole — ont été composés et exécutés par des élèves de seize ans. Et il n’avait guère plus de cet âge celui qui a réalisé cette couverture en couleur d’une plaquette : La Mer, dont nous ne pouvons donner ici qu’une reproduction en blanc et noir. GEORGES LECOMTE.