LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 165 chose faite dès le lendemain de la vente et nous nous réjouissons (le ce joli geste. Quant au Portrait de Mme Seriziat par David, il n’a pu être compris dans la vacation par suite de la lenteur des trans-ports. La toile était à La Haye dans une succursale de la maison Boussod, et malgré qu’elle fût expédiée depuis plus d’un mois, elle n’était pas parvenue à Paris le jour de l’exposition. Elle figurera seule dans une vente prochaine à la galerie Petit. , Ajoutons à cette revue trop succincte quelques réflexions personnelles. : En parcourant attentivement les comptes-rendus détaillés (les dernières ventes publiques, une remarque s’impose. Aujourd’hui que les noms des acquéreurs sont mentionnés, on s’aperçoit que ces acquéreurs sont, neuf fois sur dix, des marchands, et l’on s’étonne. Certes, les commerçants se plaignaient, au début (le la saison, de la pauvreté de leur stock ; il est tout naturel qu’ils cherchent à le reconstituer. Mais comment ne rencon-trent-ils aucune concurrence de la part des amateurs ? Ceux-ci éprouvent-ils quelque répu-gnance à séjourner pendant de longues séances dans les salles étroites et étouf-fantes (le l’Hôtel Drouot. local assez pèti accueillant, il faut le reconnaître et qui se perpétue sans améliorations depuis soixante ans, on se demande pourquoi ? Le public s’est-il persuadé que les salles de vente sont le domaine exclusif des mar-chands et redoute-il d’entrer en compé-tition avec eux, désespérant d’avoir le dernier mot dans la lutte ? C’est, en tout cas, mal raisonner, car les amateurs — et ils sont nombreux en ce moment — retrouveront chez les mar-chands dont ils devront subir les exi-gences et constituer les bénéfices, ces mimes objets qu’ils eussent pu acquérir à meilleur compte dans les ventes. Il y a, croyons-nous, à cette abstention des amateurs, une raison psychologique qui explique bien des choses. Dans la moyenne des amateurs, beaucoup se défient d’eux-mêmes et hésitent à prendre la responsabilité d’un achat en vente publique, sachant que la faute commise est irréparable; au contraire1 l’achat chez un marchand laisse le loisir de la réflexion et permet le repentir. Quoi qu’il en soit nous conseillons aux amateurs, dans leur intérêt même, (le se montrer plus hardis. De nombreuses ventes vont, jusqu’à la fin de l’année, jeter sur le marché un nombre incalculable de bons objets, Les commerçants pourront-ils absorber seuls toute cette marchandise ? C’est peu pro-bable et nul cloute que, malgré la hausse bien naturelle d »s prix, il n’y ait d’ex-cellentes opérations à réaliser. L’Impôt sur le capital. Nous n’avons pas à entreprendre ici la discussion d’un impôt dont on parle beaucoup depuis un mois, nous laissons la parole à qui de droit. Tout au plus nous constatons le peu de sympathie qu’il rencontre auprès du public. Malgré qu’aucune précision ne puisse are don-née, nous avons cependant tenté (l’obtenir quelques pronostics sur le mode d’appli-cation aux objets d’art de l’impôt sur le capital, et voici les premiers détails re-cueillis : Nul doute qu’un objet d’art représente un capital imposable au même titre qu’un immeuble ou des actions de la Banque de France; mais la difficulté réside clans l’évaluation. Selon les prévisions de la loi, l’impôt serait, non pas de 25 0/0 sur le capital, comme on l’a dit, mais de 12,5o 0 /0 et serait payable dans un délai de vingt années. Dès lors le contribuable aurait à verser annuellement une taxe correspondant environ à 0,065 o /o de son capital. En ce qui concerne les bibe-lots, il aurait le choix entre cieux modes de déclaration : la déclaration volontaire, c’est-à-dire celle exigée pour l’impôt ac-tuel sur le revenu et où sa bonne foi n’est pas soupçonnée, ou bien la déclaration du prix crachat, basée sur les factures qu’il pourrait fournir à l’appui. L’assiette (le l’impôt serait nécessairement modifiée au cas ‘où le chiffre de la déclaration ne con-corderait pas avec un inventaire fait, par exemple, après décès, ou bien encore si le contribuable se décidait à faire une vente publique et obtenait un prix supé-rieur à celui de sa déclaration. Il devrait alors payer sur la différence entre son évaluation personnelle et le résultat de la vente. A condition que l’impôt sur le capital ne soit pas jugé intempestif, que son principe même et son opportunité soient admis — et rien n’est moins cer-tain — on peut reconnaître, en ce qui concerne les objets d’art, que la régle-mentation projetée est, à première vue, assez défendable. Mais, dans l’application, les difficultés surgiront de toutes parts. La valeur d’un objet d’art est essentielle-ment variable suivant les périodes; bien plus, un même objet peut réaliser mille francs clans une petite vente du mois de septembre, alors qu’il fera quatre fois ce prix au cours de la saison favorable dans une vente carillonnée. De plus, combien de gens connaissent la valeur des objets qu’ils possèdent et quelles erreurs, en plus ou en moins-value, seront com-mises sans qu’on puisse suspecter la sincérité du déclarant ! Quant’à la répecussion de cette loi sur le marché des bibelots, il est assez malaisé (le la prévoir. ans doute un prélèvement du huitième de la fortune publique n’incitera guère à l’achat d’objets d’art, marchandises es-sentiellement (le luxe. Peut-être, au contraire, les amateurs constatant la hausse continuelle de ces objets malgré les événements qui ont bouleversé ces dernières années, leur conserveront-ils leur confiance et refuseront-ils de crain-dre une dépréciation. Avouons en tous cas que si, en dépit de la taxe de luxe et du nouvel impôt, le bibelot voit sa faveur se maintenir pendant la période critique des vingt années, c’est qu’il a la vie dure ! Indemnités de guerre. voici une suggestion qui commence à faire son chemin aux Etats-Unis et qui mériterait peut-être bien un examen. Un article a été récemment consacré dans la New-York Tribune à la question de savoir si une partie de l’indemnité qu’on est en droit de réclamer à l’ennemi ne pourrait pas être payée en oeuvres d’art. M. Cortissoz, auteur de l’article, passe rapidement en revue les diverses grandes galeries d’Allemagne. Berlin, Munich Dresde, etc.— il va sans dire que la liste devrait aussi comprendre Vienne — et tente de fixer approximativement la valeur des oeuvres d’art qu’elles renfer-ment. Il arrive ainsi au résultat de 5 à 6 milliards. Depuis longtemps déjà on tente un peu partout de faire admettre le principe de la nécessité pour l’ennemi de rembourser en nature les pertes artis-tiques qu’il a causées. Il semblerait assez rationnel d’exiger, en dehors d’une in-demnité de guerre proprement dite, des réparations en objets d’art qui consti-tueraient le plus juste châtiment moral. Comme preuve de sincère contrition, l’Allemagne devrait consentir à se voir déposséder, à titre de pénalité, d’une partie des trésors de ses galeries. D’ail-leurs rien ne pourait être plus sensible à sa vanité qu’un pareil prélèvement et l’auteur de l’article ajoute : t Ce n’est pas, dirai-je un peu paradoxalement, parce que je suis persuadé que le Hun éprouverait la perte de ses chefs-d’œuvre avec autant de révolte que le ferait tout autre nation civilisée, mais bien plutôt parce que, en le dépouillant de ce qui tient en général si fort au coeur des autres pays, les alliés atteindraient le plus directement l’amour-propre de l’ennemi. En exigeant la remise de leuti trésors d’art, on appliquerait, en toute justice, un châtiment à plusieurs générations ; et c’est ainsi qu’il doit en être si le traité (le paix réussit, entre autres résultats, à amener définitivement l’Allemagne à un sincère repentir et à des sentiments meilleurs On nous apprend d’ailleurs d’Italie que la question du remboursement en nature des objets d’art détruits en Vénétie pen-dant les quatre années de guerre, est dès maintenant à l’ordre du jour. Le major Ugo Ojetti, un (les plus notoires parmi les écrivains d’art de la péninsule, s’est occupé de dresser le bilan des dévastations commises par l’ennemi. Non seulement il réclame la restitution des objets volés mais il émet nettement la prétention de choisir dans les musées autrichiens l’équivalent des pertes subies. De Trieste, il écrit que quatre impor-tantes collections y ont été dérobées : au Musée Civique, une collection de deux cents oeuvres de J. B. Tiépolo et ses élèves, donnée il y a quelques années par M. Sartorio au même musée, un ensem-ble de 150o médailles antiques (l’or et (l’argent ; à la Biliothèque Municipale, quelques-uns des plus rares manuscrits de Pétrarque ; à la Cathédrale -Saint-Juste, les plus belles pièces du trésor, c’est-à-dire deux croix processionnelles en argent, datant de l’an 300 et quatre bustes en argent donnés à la basilique par le pape Pie II. Tous ces chefs-d’oeuvre doivent être retrouvés et rendus, sinon devront être remplacés par des pièces de même valeur. Aux dernières nouvelles, M. Foggo FIND ART DOC