LE CARNET D’UN CURIEUX Musée de l’Ermitage de Pétrograd. 11• est ■hlte rl, I, tonner des certitudes -er le sort réservé au célèbre musée de Petrograd. Puisque tout contrôle est encore impossible, on doit, à défaut de précisions, se borner à accueillir les nou-velles telles qu’elles nous parviennent. la plus récente corrobore l’information que nous avions déjà donnée ici il y a quelques mois et d’après laquelle les prin-cipales œuvres d’art de l’Ermitage n’au-raient pas été détruites au cours de la tourmente russe. Voici les détails que fournit un collabo-rateur (lu New-York Sun. D’après lui, il semble que, lorsqu’éclata la révolution, c’est-à-dire clans les premiers mois de 1017. le gouvernement provisoire de Pétrograd prit sous sa protection la collection, et que, lors du pillage du Palais d’Hiver, l’Ermitage échappa au désastre. A la fin de la même année, après la prise de Riga par les Allemands, on put croire que Pétrograd courait le risque de tom-ber aux mains de l’ennemi. Le gouverne-ment provisoire prit alors la détermina-tion de faire porter secrètement à Moscou les plus précieuses oeuvres d’art du musée. 1,e temps manqua d’ailleurs pour déca-drer les toiles et la plupart de celles-ci furent coupées au ras de leurs bordures. Le Kremlin, devenu le siège du Gou-vernement, devait aussi servir d’entrepôt chefs-d…uvre fugitifs. Or pour des raisons demeurées mystérieuses, ceux-fi furent. à leur sortie des wagons, ‘induits dans le palais d’un particulier, qui sou-haite rester anonyme, et placés là sous la garde d’un groupe d’éminents artistes russes. Ces artistes furent chargés non seulement de leur conservation mais en-core des travaux de restauration néces, mités par l’opération qu’ils avaient subie, et par les conséquences d’un emballage imparfait et d’un voyage précipité. Quel-ques semaines plus tard et avant qu’on ait pu les entreposer au Kremlin, le mou-vement bolcheviste éclata à nouveau ; le Kremlin fut bombardé pendant cinq jours, dévasté, puis envahi et saccagé par une horde d’anarcldstes et d’insurgés. Pue cersion un peu différente est fournie par sir Claude Phillips, conserva-teur de la collection Wallace, dont on connait la haute autorité en matière ar-tistique. D’après des renseignements à lui parvenus, les Allemands auraient exigé que les trésors de l’Ermitage fussent transportés de Pétrograd, non plus à Moscou. mais bien chez eux. Leur intention certaine était alors de ne point les rendre, ce qui permet d’espérer qu’ils les auraient traités avec tous les égards mérités. SLJ Toutefois, ou croit qu’une faible partie des tableaux, et non point les plus impor-tants, atteignit seule Berlin, Les grands chefs-d’œuvre seraient encore en sécurité relative à Moscou, soit que la cachette demeure ignorée des bolchevistes, ce qui parait assez invraisemblable, soit que Lénine et ses collègues ne s’intéressent guère à des objets trop universellement connus pour que leur vente soit possible. Un fait reste vrai: au 15 novembre dernier les oeuvres d’art de l’Ermitage étaient saines et sauves, ou presque… Il ne doit pas en être de même, hélas, du merveil-leux mobilier français répandu à profu-sion dans les palais de la famille impériale, de la noblesse et dans les grandes collec-tion : pour eux, la ruine ou la dispersion ne sont que trop à redouter. Il n’en est certainement pas de même des bijoux de la couronne qui, eux, ont été dérobés une association de malfai-teurs russes essaie de les écouler sur les divers marchés européens. On nous a raconté qu’il y a environ deux mois, une clame s’était présentée aux bureaux du Ment-de-Piété, rue des Fran cs-l’ou rgeois. demandant qu’on lui prétftt huit cent mille francs sur un diamant. La beauté de la pierre, sa grosseur insolite, l’énormité de la somme sollicitée obligèrent les em-ployés à en référer au directeur tic l’éta-blissement. Celui-ci téléphona aussitôt à la Préfecture de Police qui n’eut pas de peine; grâce aux renseignements qu’elle possédait de son côté, à reconnaitre la .venance du bijini. Elle savait la pré-sence à Paris de quelques affiliés de la bande chargée de réaliser la cassette im-périale, mais jusque-là, ses recherches étaient demeurées infructueuses. L’imprudente dame au diamant sortit du Mont-de-Piété sans ses huit cent mille francs mais avec, à ses trousses, un ins-pecteur de la sureté qui l’accompagna discrètement jusqu’à un domicile où une fructueuse capture était opérée le jour même. Georges Cain. . C’est avec une peine sincère que nous avons appris, au début de mars, la mort de âl. Gorges Cain. Tous ceux qui l’ont approché appréciaient sa bonne grâce et son affabilité. Il avait, soit par sa famille qui comptait deux grands sculp-teurs, Auguste Cain et Mène, soit par lui-même, connu tous ceux qui, au cours des cinquante dernières années, ont porté un nom illustre datts les divers milieux de la société parisienne. Servi par une magnifique mémone. il était doué du plus charmant talent de conteur ; on feuilletait M. Georges Cain avec un inlassable plaisir et un intérêt sans cesse renouvelé. D’autres ont parlé de M. Georges Cain, chroniqueur et écrivain ; il a consacré de nombreux volumes à la gloire de Paris. sa ville natale, qu’il aimait d’une passion fervente et attendrie et dont il connaissait mieux que personne l’histoire la plus détaillée et les recoins les plus secrets. Nous préférons nous attarder sur la personnalité du conserva-teur et de l’homme de goût. La Ville de Paris perd en lui un collabo-rateur précieux et le mieux fait pour rem-plir les fonctions de directeur de Carnava-let. Lors de sa nomination à ce poste, tout restait à faire dans un musée qui conte-nait certes déjà beaucoup d’éléments ex-cellents, mais groupés sans méthode, sans grâce et presque inaccessibles au public. C’est lui qui opéra pour ainsi dire la résurrection de Carnavalet en y appor tant la vie, la variété, l’abondance et la séduction. • Par un labeur acharné, grâce au nom-bre de ses relations, grâce aussi, il k: re-connaissait lui-même, à son heureuse étoile, M. Georges Cain a enrichi son musée d’un nombre incroyable de beaux dons qu’il savait provoquer avec la plus habile et la plus insinuante persuasion. Carna-valet s’est vu, par ses soins, agrandi, trans-formé ; les salles se garnirent de boise-ries . dans la pittoresque présentation des collections eonliées à sa garde, on sentait la présence: de l’homme de goût le plus averti. Car Georges Cain excellait à la mise en scène des objets d’art et fut, en plus d’un érudit, un merveilleux décora-teur. Ses qualités le désignaient chaque fuis qu’il s’agissait de constituer, pour le compte de la Ville de Paris, une rétros-pective clans une exposition universelle, et ceux qui l’ont Vil à l’oeuvre rendent justice au talent avec lequel il savait, même en utilisant des éléments de valeur illégale, créer un ensemble harmonieux. 11 aimait la beauté part, nit il la ren-contrait, dans les paysages, dans les mo-numents qui font la parure de nos cités. dans les objets d’art. — il en possédait lui-même de très importants. Son angoisse fut grande alors que l’ennemi menaça d’anéantir cette beauté française et les trésors héréditaires de notre patrimoine national. Il nous écrivait il y a six mois : Que j’assiste à la victoire, après quoi je chan-terai mon MIIIC dOndlis o. Du moins ce dernier souhait a-t-il été exaucé ; il a eu la consolation de voir le triomphe illu-miner notre horizon. FIND ART DOC