132 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE artistique péricliter entre ses mains. Les trop rares documents d’archives qui nous parlent de lui nous le montrent entretenant en mécène une véritable troupe d’artistes et d’artisans en tout genre. C’est l’architecte Debias-Aubry, « arChitecte de jardin ). Jean Moisy, les maîtres peintres Edme Guesnu et Eugène Magny (I) ; c’est le maitre marbrier J.-B. Adam ; ce sont les maîtres sculpteurs J.-B. Janelles, J.-B. Legay et J.-Martin Pelletier, les orfèvres J.-B. Ducrollay et Claude Duplessis et le graveur en pierres fines Jacques Guay, le protégé de M me de Pompadour. Il donna fréquemment des concerts soit à Passy, ou dans l’hôtel de la rue Notre-Dame-des-Victoires. Quelques noms des exécutants nous sont parvenus : les deux Lemaire, Rance, le basson, Mlle Chevalier, « musi-cienne de l’Académie royale de musique s, qui semble avoir été l’organisatrice de ces réunions. Il posséda même à Pa,sy, fait rare à cette époque, un orgue «avec un buffet de dix pieds de haut sur cinq pieds et demi de large, cintré sur le plan et l’élévation, orné d’archi-tecture, sculpture, d’attributs de musique s (a). Et son testament montre qu’il tenait ses artistes en assez haute estime pour léguer à certains d’entre eux des gratifications importantes (3), ou même des pensions viagères (4). Il aima aussi les livres. C’est. parmi eux qu’il se fit représenter par La Tour. Le catalogue de sa biblio-thèque (5), dressé par le libraire Barrois lors de la vente posthume de celle-ci, ne contient pas moins de 3314 articles représentant environ une dizaine de milliers de volumes ; bibliothèque encyclopédique considérable qui, méthodiquement classée, renfermait des ouvrages de théologie, de jurisprudence, d’histoire, de science, d’art, et des collections de classiques. Les manuscrits y étaient nombreux; un magnifique recueil de fleurs peintes sur vélin, par Daniel Rabel en 1624, aujourd’hui conservé au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, y figurait notamment (6). Ses livres portaient un ex-libris à ses armes, dessiné par Duflocq et gravé par Jacques-Gabriel Huquier, une des jolies pièces en ce genre du xvilie siècle (7). (1) A sa mort, le président de Rieux devait encore à ce dernier plus de 2o.000 livres. (z) Cucuel, ouvr. cil., p. t44. Cet instrument devait devenir plus célèbre encore quelques années plus tard par les concerts de musique de cham-bre de La Pouplinière. (3) • Donne et lègue à Mme Chevalier, musicienne de l’Académie Royale de musique, la somme de 2.400 livres pour les soins et peines qu’elle a eus pour ledit testateur et ladite damé son épouse tant à Paris qu’à Passy, dans.différents concerts. Testament du président de Rieux, déjà cité. (4) a Donne et lègue au sieur Lemaire père, musicien, 400 livres de rente viagère… Donne et lègue au sieur Rance, basson de l’Académie Royale de musique, et à son fils aisé et au survivant d’eux, Goa livres de rente viagère…. Ibid. (5) Catalogue des livres de la Bibliothèque de leu M. le président Bernard de Rieux, à Paris, chez Barrois, 1747, pet. in•4.. Bibl. nat., 8..1 286. (6) Bouchot, Le cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, p. 191. (7) Voici comment on peut le décrire : l’écu, d’azur à une ancre d’argent senestrée en chef d’une étoile de même rayonnée d’or, est soutenu par un amour ; à gauche, une Minerve assise, tenant sa lance : au bas, en exergue: ex•libris G. Ballard de Rima. Nous avons vu à son service des peintres et des artistes décorateurs, mais il ne s’intéressa pas moins à la peinture de genre, d’histoire, de paysage. Dans l’hôtel de la rue Notre-Dame-des-Victoires était réunie une collection de quatre-vingts tableaux pour le moins, à l’huile et au pastel, des paysages, des scènes de genre, des portraits surtout. Les pièces d’archives nous donnent quelques noms des peintres idont il posséda des oeuvres (I). Sans nous arrêter aux Pierre-Paul Slerelle, aux Germain-Jacques Lecocet relevons les noms d’Hubert Drouais, de Jean-Marc Nattier, qui avait exécuté pour lui un portrait du roi Puis XV, enfin de La Tour. Tel était à sa mort, le cadre artistique et intellectuel dans lequel vivait le président de Rieux. Tel était-il, un peu moins riche toutefois, quelques années plus tôt, à l’époque où il demandait son portrait à La Tour. * * Quand le grand public fut à même de contempler ses ouvrages dans les expoSiteens, La Tour était un peintre -déjà fort connu et ëstimé de ses confrères. La grande célébrité vint vers lui brusquement. En 1737, il était agréé à l’Académie royale de peinture et sculpture la même année, Orry de Vignory, directeur général des bâtiments du roi, invitait l’Académie à ouvrir pour le 25 août l’exposition annuelle qui n’avait pas eu lieu depuis 1704: le Salon du Louvre. La Tour envoya deux portraits, Madame Bouclier, femme du peintre, et L’auleur qui ri& qui furent com-blés d’éloges. Il est fort naturel de penser que le pré-sident de Rieux, amateur des plus fins, ait remarqué ces pastels et se soit pris d’intérêt pour ce peintre • habile, profond observateur. Dès lors durent naître, si elles n’existaient déjà, des relations amicales entre les deux hommes, relations qui ne devaient prendre fin qu’à la mort du président. L’intérêt de Rieux pour le pastelliste se montra peu après ; dans l’année même, il lui comman-dait le portrait de Gabrielle de La Fontaine-Solare de la Boissière, nièce de sa femme. Cette oeuvre charmante, gracieuse, d’ailleurs connue, car elle a été popularisée par la gravure (2), figura au Salon de 1738. Un peu plus tard, c’était le président lui-même qui posait devant La Tour, et celui-ci exécutait entre 1739 et 1741, la belle oeuvre que l’on voit aujourd’hui, et qui fut exposée. nous l’avons dit, au Salon de 1741. Le portrait du président de Rieux est l’effort le plus considérable que La Tour ait jamais fait. Jamais le peintre n’avait exécuté d’oeuvres aussi grandes ; jamais il n’en devait refaire de cette dimension. C’est plus (r) Voy. Inventaire de la succession Bernard de Rieux. Archiv. nat., Y 14017. (2) 1.e portrait de de La Boissière a été gravé par Petit. FIND ART. DOC