LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE . I17 les ghettos, analogues à ceux d’Amsterdam et de Florence, où les Juifs vivaient à part, les ghettos avec leur pouillerie, leurs friperies, cet indicible milieu où voisinaient des vieillards barbus et majestueux —véritables illustrations de l’Ancien Testament, de mai-gres enfants aux grands yeux, d’astucieux marchands au nez courbe, des reines de Saba nonchalantes sous leurs voiles sordides. Un réaliste du genre de La Gourdaine ne pouvait manquer de s’y intéresser, et comme il était passionné pour l’art de Rembrandt et qu’il le collec-tionnait, et comme, d’autre part, il n’était pas un artiste de tout premier ordre, il se laissa aller à l’imiter de très près, de trop près peut-être. Et cela est extrême-ment savoureux quand même… En plus de la série des types juifs et des scènes bibliques, qui en dérivent, l’oeuvre gravé de Norblin comprend la suite de ses propres portraits (dont nous donnons un spécimen), et surtout la galerie des types polonais et des scènes populaires, où l’on retrouve ses rares qualités d’observateur. Dans cet ensemble touffu, mais offrant une certaine unité, nous citerons quelques pièces essentielles : La Découverte du Dessin (une des plus rembranesques), où une jeune femme, observant l’ombre de son ami sur un mur, fixe la ligne de ce profil sombre ; les trois portraits de Mazeppa, d’un beau style. (le modèle était un Juif de Pulawy) ; Les Tchèques apportant la couronne à Przemyslas La Chaste Su-zanne (r). A titre de curiosité, notons encore que Norblin de la Gourdaine exécuta des miniatures; le comte My-cielski, professeur à l’Université de Cracovie, en a publié quelques-unes, qui semblent fort gracieuses, dans les Mémoires. de l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie. Il (I) L’oeuvre gra-vé de Norblin doit être circonscrit —sauf une exception — entre les années 1774 et 1789. Voir à ce sujet Batow• ski, excellente étu-de publiée en 1911 à Lemberg, mais qui n’a pas été tra-duite en français, et Founner-Sarlo-véze (Ic-, Peintres de Stanislas-Au-guste). fut aussi portraitiste : sa propre effigie est conservée au Musée de Posen ; et le portrait du député Gorowski, est une des bonnes toiles du Musée d’Orléans. Enfin, l’on peut voir au Musée Czartoryski douze assiettes en porcelaine, très curieuses, représentant des vues du château de Pulawy, d’après les sépias de Norblin, et l’on y retrouve sa facilité à grouper de spirituels per-sonnages parmi des paysages véridiques. Des deux fils de Norblin, l’un, Jean, fut sculpteur ; il a laissé une statue.de Copernic. L’autre, Martin, vécut à Paris et se consacra à la musique. Mais ses élèves véri-tables doivent être cherchés hors de sa famille : c’est Nether, qui grava de nombreux tableaux de son maître ; c’est surtout Alexandre Orlowski, peintre fort connu et apprécié en Pologne. Plonski suivit également ses leçons, avec, toutefois, un mérite moindre ; Kosinski, Piwarski et Vogel ne sont pas ses disciples immédiats, ils ont seulement continué sa tradition. Car Norblin, avec son oeuvre nombreux et d’une variété prodigieuse, a vraiment fondé une tradition. Nous avons même écrit, au début de cette étude, qu’il avait créé l’art national en Pologne : d’aucuns pour-raient peut-être trouver exagérée cette affirmation qui, évidemment, fait table rase de quelques exceptions, comme toutes les formules générales. Mais doit-on vraiment l’entourer de beaucoup de réserves si l’on con-sidère que Norblin, avec son réalisme surprenant, son oeil investigateur, sa main adroite, apporta précisément à la Pologne ce qui manquait à son art, c’est-à-dire l’étude directe de ses moeurs pittoresques, de ses costumes, de sa campagne de toute cette riche existen-ce nationale que ses fils s’étaient jus-qu’alors con-tenté de vivre — sans la peindre ? CAMILLE GRONKOWSKI LA 1.IZ11NIENAI)F. .■∎ fII . ;1•01.1 I I TION’ ,, »SI: 5111