‘114 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE faire son portrait et celui de sa femme par Kucharski, peintre polonais établi en France et dernier portraitiste de Marie-Antoinette (1). Enfin, il emmenait Norblin avec lui à Varsovie. Tout ceci montre un intéressant échange artistique entre les deux pays. A peine arrivé en Pologne, Norblin se vit adopté, fêté, disputé. Ne représentait-il pas, pour ce milieu élégant tout disposé à les accueillir, ces grâces de l’esprit fran-çais qui avaient atteint leur suprême épanouissement aux dernières années du règne de Louis XV ? Même il datait un peu, et donc il n’effarouchait aucune tradi-tion. Son gracieux pinceau eh était resté aux berge-ries galantes, aux fantai-sies champêtres de Pater et de Lancret, à de jolis pastiChes de Watteau, avec la facilité en plus et le génie en moins. Ces dons charmants, il s’en servit pour orner les. demeures seigneuriales de ses pro-tecteurs, et c’est ainsi qu’il décora le salon de la princesse Isabelle Czarto-ryska dans son palais de Powarski, et Le Sanctuaire de Minerve que la prin-cesse Radziwill, sa rivale, élevait avec gâtit et préciosité en ses Jardins d’Arcadie, prochés de Lowicz. La mode était alors aux jardins anglais suivant la formule nou-velle, et qu’on nommait aussi chinois (on n’a jamais su pourquoi) ; plus d’allées solennelles et de charmilles, ni de miroirs d’eau, ce n’étaient que voies serpentines, ruisseaux, rochers artificiels, tombeaux, obélisques, et surtout « fabriques », c’est-à-dire pavillons ou kiosques destinés aux jeux, à la musique. Norblin décora quantité de ces jolis édifices, et ses compositions sont demeurées nombreuses en Pologne, soit dans leur cadre monumental primitif, soit dans quelques collections privées. Les titres de ces ouvrages diffèrent peu, c’est l’éternel sujet sentimental et mondain, en un cadre de verdure toujours renouvelé, toujours gracieux : c’est La Kermesse dans un parc, dans le genre de Lancret ; Le Bain des Femmes, si imité de Leprince qu’il reproduit presque exactement la tente orientale que celui-ci donnait très fréquemment comme fond à ses « assemblées ,■ ; le Déieuner sur l’herbe, le Concert en plein air (au Musée Czartoryski, Cracovie). Norblin parait avoir moins bien réussi quand il s’attaqua aux grands sujets mythologiques pour la décoration du « Sanctuaire de Minerve o. Les coursiers attelés au char du Soleil, l’Aurore émergeant des nuages bouillonnants, tout cela forçait un peu son pinceau délicat, et il en est résulté quelque essoufflement et quelque confusion dans l’aspect général. La prin-cesse Hélène Radziwill s’intéressait tout particu-lièrement à ce travail et ra-nimait de son mieux le zèle de l’artiste, sollicité sans doute par des travaux moins olympiens : « Votre Altesse m’a fait devenir comme Triton. lui écri-vait-il; jour et nuit je ne pense qu’à l’Aurore, et, malgré cela, elle n’a point d’amant plus négligent. Mais excusez, ce sont mes affaires qui sont cause de tout cela. » Et, dans une autre lettre : « Je travaille toujours à votre tableau et espère qu’à la fin de ce mois j’aurai le bonheur d’être en Arcadie, et je pourrai idyliser, élogier, madri-galiser…, enfin, pouvoir faire tout ce qui finit en er. Mais il me semble que V. A. se fâche de ce que je n’ai pas encore fini : mais est-ce nia faute ? Si V. A. avait dit le fin mot l’année passée, cela serait fait, posée avec (sic) cette écharpe qui m’embarrasse furieusement. J’aurais voulu que V. A. se décide là-dessus, car ce grand jugement que vous me supposez est fort peu de chose. » Il est probable que Norblin fut aidé, dans ce travail, par ses deux élèves, Orlowski et Plonski, qui illustrèrent l’École artistique polonaise pendant le premier quart du xtxe siècle. C’est le moment où le genre pseudo-classique tentait de s’acclimater sur les bords de la Vistule ; il devait y être accueilli avec faveur. Stanislas-Auguste ne manqua pas de faire travailler un artiste tel que Norblin, qu’il venait parfo dans son atelier, où il savait parler en amatet LES PETITS COLPORTEURS. — GOUACHE. (COLLECTION BEN-SIMON.) (t) On verra avec grand j’aéré( à l’Exposition Franco-Polonaise ce portrait de la reine (avec les cheveux blancs) fait à la Conciergerie et qui n’avait jamais été exposé jusqu’à ce jour. Il appartient à la prinCesse de Tonnay-Charente. FIND ART DOC