UN ARTISTE FRANÇAIS EN POLOGNE NORBLIN DE LA GOURDAINE (1745-1830) A PROPOS DE L’EXPOSITION FRANCO-POLONAISE AU PAVILLON DE MARSAN LE cas de Norblin de la Gourdaine est, croyons-nous, unique dans l’his-toire de l’art. On le connait peu en France : les habitués de nos musées savent qu’il est représenté à Carnavalet et au musée d’Orléans : quelques rares collections privées possèdent de lui des gouaches délicates et des dessins précis ; enfin les ama-teurs de gravure n’ignorent pas ses eaux-fortes imitées de Rembrandt et sa collaboration avec Debucourt. Il est généra-lement considéré comme un de ces petits maîtres charmants qui sont comme la parure et la gloire riante .de notre xviite siècle, — les Saint-Aubin, les Moreau, les Huet, les Audran, tous spirituels, tous nerveux et fins, chroniqueurs à l’ceil rapide, à l’exécution serrée, — sachant à l’occasion abandonner le crayon ou la gouache pour la brosse, aborder le ,( genre s, le décor ou le portrait, avec la même réussite heureuse que tel membre qualifié de l’Académie royale. Eh sans doute, Norblin fut tout cela, et •miniaturiste et céramiste par-dessus le marché. Mais s’il n’avait pas été antre chose, son bagage resterait léger dans la balance des mérites, en cette époque fortunée où les titres étaient si divers et si nombreux. Norblin de la Gourdaine — et c’est là l’étrange aventure — créa au xvit te siècle la pein-‘ Lure nationale et populaire en Pologne. Cette assertion mérite une brève explication historique, et précisément l’Exposition franco-polonaise, actuellement ouverte au Pavillon de Marsan, peut aider à la justifier .. PORTRAIT DE NORBLIN PAR LUI-MÊME. —EAU-FORTE. (COLLÉOTIoN asEVERsoX.) Durant plusieurs siècles les Polonais furent privés d’un art autochtone, produit de leur sol, image de leur civilisation (I). A vrai dire, ils avaient d’autres préoccupations : champ de ba-taille éternel par suite de frontières incertaines, point de choc des Slaves et des Germains, avant-garde de la civilisation latine en face des courants venus de Byzance et d’Asie, la Pologne se tira avec grand honneur de cette tâche difficile, puisqu’après de terribles luttes elle put refouler les Teutons pour quatre siècles à la suite de la victoire de Griinwald (leo), puis sauver l’Europe de l’inva-sion, grâce à Jean Sobieski (1683). Malgré cette vie héroïque, haletante, incertaine, la nobleSse gardait des habitudes d’extrême somptuosité, et la cour des Jagellons, installée à Cracovie depuis le mye siècle, dans ce aic el royal qui était comme le Louvre et le Saint-Davis de la vieille capitale, déployait un faste extrême dont le décor fut longtemps alimenté par les ateliers de Nurenberg jusqu’au jour où l’idéal latin triompha du gothique. Singulièrement prompte fut cette .évolution, et radicale. Comme l’art national ne possédait pour,ainsi dire pas de vie propre, ni, par con-séquent de tradition, la Renaissance s’épanouit en Pologne ainsi qu’une plante splendide sur un terrain ( r) Il faut cependant mettre à part l’art rustique polonais, savoureux et profondément original. Il convient aussi de mentionner l’un des grands sculpteurs du xv,‘ siecle, Vit Stowsz, dont quelques chefs•ceuvre sont conservés à Cracovie. FIND ART DOC