‘ L’ÉCOLE GENEVOISE DE PEINTURE SUR ÉMAIL BIEN que le nom de Petitot • se présente de lui-même à l’esprit quand on aborde l’école gene- oise de peinture sur émail, il faut convenir que le célèbre miniaturiste n’a eu qu’une bien faible influence sur le développement artistique de sa ville natale. Le Raphaël de l’émail atteint à peine vingt-six ans quand il quitte Genève et s’il y vient finir ses jours, épuisé par la prison, les luttes de conscience, la perte de ses biens, le chagrin d’avoir encouru la disgrâce de Louis XIV, il n’a, dans ses quatre ans de retraite forcée, ni le loisir, ni la force de faire des élèves. S’il exerce une action sur ses compatriotes, c’est par le rayonne-ment de sa gloire et de ses succès à Windsor et à Versailles. L’art de l’émail ne remonte donc pas, croyons-nous, à Genève, beaucoup plus haut que le milieu du xvile siècle : la date de 166o pourrait être adoptée provisoire-ment pour les premières oeuvres des frères Huaud. Dans tous les cas, le boîtier d’Actéon daté de 1679 dans l’ancienne collection P. Garnier et signé Pierre II Huaud, à Genève, dénote un pinceau exercé et une main habituée aux délicates opérations de la cuisson. A cette date, Petitot est en posses-sion depuis trente-cinq ou quarante ans de ses couleurs et de ses fondants. Signac a peint la montre de Chris-tine de Suède, du musée de Stockholm (1647) ; Toutin, sa merveilleuse plaque de la Tente de Darius, du musée de Genève (1671) : Vauquer, ses portraits de femme de la collection du comte de Ilchester (1664 et 1670) ; Prieur, ses effigies du chancelier Griffentield et du con-fesseur du roi Leth (1675), au musée de Rosenborg. Non seulement les Huaud ne peuvent nullement passer pour des novateurs, mais si l’on met à part leur singulier éclat de coloris et leur abondance de produc-tion, il faut les ranger à assez bonne distance de leurs devanciers dans l’art de l’émail (1). Il semble que l’on voit poindre déjà à cette fin du xvIte siècle et au début du xvilre, ce cachet d’irrépro-chable production industrielle, qui caractérise l’art genevois, capable seulement par intervalles de s’élever jusqu’au grand art. Malheureusement pour la gloire de l’école. chaque fois que surgit quel9ue tempérament d’élite — les meilleurs des-cendent d’ailleurs de réfugiés français — il s’empresse d’aller chercher à l’étran-ger, à Paris, à Londres, à Vienne, un théâtre plus brillant pour déployer son talent. Presque tous les grands émaillistes suisses, Liotard, Rouquet, Thouron, Soiron, Cotteaux, Counis, Constantin, se fixent à Paris et y trouvent, à l’exemple de leur illustre compatriote, gloire et profit (2). Ce n’est pas à dire que Genève manque de peintres. Il s’en trouve, au contraire, une quantité singulière. L’activité croissante de l’industrie de la montre et du bijou exige leur concours au même titre que celui des graveurs et des orfèvres. Ils font même illusion par leur nombre. Le dépouillement des biogra-phies du Dictionnaire des Ar-tistes suisses ferait croire à l’existence d’un foyer d’art de premier ordre si l’on ne savait pertinemment que la plupart des peintres sur émail, cités dans les documents d’ar-chives, n’ont travaillé que pour la n fabrique s. La mort d’Amy Huaud (le dernier des trois frères) en 5724, laisse un vide à Genève. Les Huaud n’étaient pas de grands maîtres : leurs successeurs immédiats sont des JEAN PET11,1 LUI-MÈME. (COLLECTION DU DUC DE PORTLAND.) J. PETITOT. 1.61,à DE MAINTENON. (NIUSIE DU LOUVRE). J. PETITOT. LE CARDINAL DE RICHELIEU. (»USÉE DU LOUVRE). (1.) Voyez Henri Clouzot. Les frères Huaud, miniaturistes et peintres sur émail, dans la Revue de l’Art ancien et moderne, oct. too7. (2) Voyez La Renaissance, oct. t9t8 et Revue des Etudes Napolloniennes: nov.-déc. 19tti.