106 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE note, d’une écriture du xvue siècle, inscrite en marge de l’inventaire de Toulouse de 1489, est tout à fait instructive : e Nota que ceste rare et excellente pierre précieuse du Camaleul fut donnée au Roy de France François Ier, estant en la ville de Toulouse, et Sa Majesté le donna au Pape Léon X, estant venu jusqu’à la ville de Nice en Provence et despuis, le Pape donna cest incomparable trésor ou vandit à la Seigneurie de Venise, où ceste pierrè se trouve. » Dans cette note, il y a deux points : le départ du Camée, cent ans auparavant, et un fait contempo-rain, certain : le Camée est à Venise au commence-ment du xvtle siècle. Comment y est-il arrivé ? Très probablement comme gage d’un emprunt fait par le Roi aux banquiers de Venise. Nous savons que dans tous les emprunts con-tractés par Henri III, précisément à Venise, il n’est jamais question, comme gage, que des Joyaux de la Cou-ronne : jamais on ne parle des objets du Cabinet du Roi. Une seule fois, par exception, la grande licorne. engagée entre les mains de Mme de Chemerolles, du ma-réchal de Bouillon et de Sully, est mentionnée : mais l’emprunt est fait en France. Il est fort probable que le Grand Camée fut engagé, en 1589, en même temps que plu-sieurs pierres précieuses des reliquaires de la Sainte-Cha-pelle, sans désignation, « pour les nécessités de l’État C’est, d’ailleurs, en 1590 que le Cabinet du Roi fut pillé officiellement. N’est-ce pas très conforme à la tradition de Peiresc ? « Volé pendant la guerre civile, des mar-chands l’emportèrent en Allemagne et le vendirent à Rodolphe II douze mille écus d’or. » Ainsi, grâce à tous ces éléments, tirés de renseignements qu’on savait, qu’on supposait, qu’on ne pouvait pas toujours affirmer, on arrive à reconstituer l’ a v an t – dernière aventure du Camée. Mais il fallait un, autre précision, elle était indispensable. Toutes ces étapes amis resoudées, n ‘a vion s-nous pas fait, à un moment, fausse route ? Le signe particulier, feslée par la moytié », allions-nous lé retrouver dans le Grand Camée de Vienne ? Car jamais’ dans aucune des études qui depuis deux siècles lui avaient été consacrées, depuis les lettres échangées entre Peiresc et Rubens à son sujet, il n’en fut question. Avec l’aplomb de la certitude, je demandai simple-ment à M.R.von Schneider, conservateur de la Collection des Antiques du Musée de Vienne, de vouloir bien me marquer sur une gravure « la fêlure du registre inférieur, qui traversait presque tout le Camée ». Voici la ligne qu’il me traça (fig. 6), en même temps qu’il m’en-voyait les mesures de la pierre : 225 millimètres de largeur, 187 millimètres de hauteur : on ne saurait demander plus de précision. Et l’empereur d’Autriche avait si bien accepté l’identification, qu’il me décernait à cette occasion, en 1887. la grande médaille d’or Artibus et lideris. s * J’espère donc avoir montré que le Camée de Vienne qui appartenait à la ville de Toulouse depuis le xiiie Siècle, — au moins —, lui a été volé en 1533, malgré les protestations de ses Capitoills. En matière de domaine public, la prescription ne peut être invoquée, d’autant plus qu’il est certain que l’empereur Rodolphe savait pertinemment en l’achetant, qu’il provenait d’un vol. Toulouse est donc parfaitement en droit de le réclamer. Assurément, M. Mérignac, professeur de droit inter-national public à la Faculté de Droit de Toulouse, membre du Comité consultatif juridique adjoint à la Présidence du Conseil pour les questions de droit relatives aux tra-vaux de la Conférence de la Paix, n’hésitera pas, je pense, à prêter dans la circonstance à ses concitoyens, le pré-cieux appui de son autorité incontestée. F. DE MÉLY. FIG. 6. — LA PELURE DI P.P. PAR M.. R. VON SCHNEIDER. FIND ART DOC