LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 103 D’après cette description, Belhomme croyait y découvrir le Ravissement d’Elie au ciel; cependant il inclinait plutôt vers l’Apothéose d’un chef d’une auguste famille, élevant jusqu’à lui sa noble postérité, qu’un aigle, aux ailes éployées, condui-sait vers le char de l’Immorta-lité e. il se souvenait, certaine-ment, de l’Apothéose de Germa-nicus enlevé par un aigle, le camée 209 du Cabinet des Médailles (fig. 4) que le cardi-nal Humbert avait rapporté en 1049 de Constantinople, à l’abbaye de Saint-Evre de Toul Il aurait pu aussi le rap-procher du camée du Trésor de Trèves (fig. 3) ou bien encore de celui de Junon et Ganymède, du Musée de Fl &X.) FIG. 2.— LA MONTURE,DU GRAND CAMÉE DE VIENNE AU xvite SIÈCLE. D’APRÈS J. J. BAIER. orence. Ainsi cette pierre, objet de l’admiration générale mesurait une palme de largeur, c’est-à-dire 225 milli-mètres et un peu moins de hauteur Seuls, le Camée de la Sainte-Chapelle et le Grand Camée de Vienne, devaient lui être comparés Aussitôt, j’interrogeai tous ceux qui, en Europe. pouvaient me renseigner sur un monument de cette importance. Vraiment était-il perdu ? Car, de tous les souvenirs de l’antiquité. les pierres dures gravées dont la valeur intrinsèque ne tente ni les voleurs ni les spo-liateurs, que leur nature même défend de la corruption, de la fonte, sont peut-être les seuls objets d’art qu’on puisse espérer presque sûrement retrouver. Il s’agissait donc de poursuivre les recherches. D’abord il fallait en reconstituer l’histoire. Assuré-ment, une partie de celle que nous trouvons dans les registres de Toulouse était légendaire : e. Cette pierre très précieuse, d’une valeur incroyable, fut apportée à Toulouse par Charlemagne et offerte par lui à l’abbaye de Saint-Sernin Cette pierre, très grande, aurait été trouvée par Josué dans le désert de l’Éthiopie supé-rieure, conservée à Jérusalem jusqu’aux temps du Christ . où elle aurait été brisée en méme temps que d’au-tres pierres et que le voile du Temple était déchiré, au moment de la Passion du Sauveur C’est là qu’elle fut trouvée par Charlemagne et apportée à Toulouse. Nous sommes en pleine légende. Si au contraire nous restons dans le domaine pure-ment documentaire, c’est dans un inventaire de 1246 que nous la rencontrons pour la première fois, très sommairement décrite il est vrai, mais son nom, le Cammahien, l’identifie sans doute possible. Nous n’en trouvons plus trace jusqu’en 1453. A cette date, nous la voyons l’objet d’un procès entre les religieux de Saint-Sernin et les Capitouls de Toulouse, qui prétendaient à la possession de cette pierre merveilleuse Ces derniers crai-gnaient que les religieux ne voulussent la vendre ; un juge-ment de 1455 leur interdit de l’aliéner sous peine de prise de leur temporel. C’est que le Camée excitait toutes les convoitises. Et si Filarète, en 1464, en parle dans son Traité d’architecture, à ce moment. le pape Paul II, pour l’acquérir proposa d’édifier un pont de pierre sur la Garonne, de donner cinquante mille écus à la Ville, et, pour satisfaire tous, d’augmenter du double les prébendes des chanoines. Sa réputation était donc universelle. Nous la voyons mentionnée en 1496 dans le Pèlerinage d’Arnold de Baril : puis la voici dans les inventaires de .15o4, de 1509, de 1524, toujours entourée de l’admiration générale, sous la garde jalouse des chefs de la cité. Mais le*plaisir du Roi devait bientôt avoir raison de toutes les précautions. Clément VII et François le allaient se rencontrer à Marseille. Les exigences de l’empereur Charles-Quint engageaient le Pape à se rapprocher encore de la France qui l’avait déjà secouru en 1528. Il venait traiter du mariage de sa nièce, Catherine de Médicis, avec le dau-phin Henri. François Ier voulut, par des fêtes magni-fiques et des présents vraiment royaux, lui montrer sa magnificence ; il pense à lui offrir le Camée de Saint-Sernin qu’il avait admiré à son passage à Toulouse en août 1533 Aussitôt commence entre le Roi et les Capitouls un échange de lettres que les procès-verbaux du Capitole nous ont heureusement conservées la résistance à la demande du Roi est extrêmement curieuse. Les registres de Toulouse (fig. 5) sont si instructifs, qu’il est du plus haut intérêt d’en donner le résumé. L’évêque de Grenoble, Laurens Allemand, abbé de Saint-Sernin, d’accord avec le Chapitre, était d’avis de porter le Camée immédiatement au Roi. Le Conseil de la Ville, au contraire, décide le 29 octobre, d’en-voyer à François Ier deux de ses membres « pour lui faire remonstrations ». Naturellement, le Roi refuse d’admettre leurs obser-vations, et M. Vavleti, député à Marseille, rappor `PIND ART DOC