GEORGES HOENTSCHEL ET SES COLLECTIONS 4 I ORSQUE je parcourais, presque seul, aux heures où les galeries des musées ne sont fréquentées que par les désoeuvrés ou les gens d’étude, les vastes salles du Metropolitan de New-York, et que je voyais se succéder dans un noble et clair arrangement les collections provenant de Georges Hœntschel, j ‘éprouvais, le premier moment de surprise passé devant le nombre et la beauté insoupçonnés des objets, comme une espèce d’impression évoca-trice toute particulière. Il me semble tout d’un coup que mon ami m’ac-compagnait dans la visite, que je lui faisais part de mon étonnement et de mon plaisir, qu’il s’amusait fort, avec son rire si particulier d’affection qui se faisait moqueuse pour ne pas trop paraître tendre, de mon enthousiasme et de mes compliments. Je lui disais combien tout en s’attirant pour lui-même une grande réputation dans l’avenir, il valait à notre pays et à notre civilisation la sympa. thie et l’admiration du Nou-veau-Monde ; qu’il contri-buait ainsi, par dés voies mystérieuses, à la lutte contre la pensée et la culture allemandes, car l’art fran-çais, même pendant la guerre, a combattu lui aussi, à sa manière, et plus qu’on ne pense, pour la cause de France. En même temps, par ce phénomène singulier de conversation à travers les océans, je me voyais rentrant à Paris et lui tenant de nouveau le même langage, et lui, rapidement, à son ordinaire, souriant encore, après m’avoir dit : « Ils en verront bien d’autres! » disparaissait, — trop brusque-ment à mon gré.., En rentrant, je trouvai presque au débarqué de Bordeaux, une dépêche m’annonçant la mort subite de Georges Hcentschel, et ce « bien d’autres » nous le voyons aujourd’hui prêt à se disperser, à la fois morce-lant l’extraordinaire entassement de merveilles recom-mencé presque aussi riche et multiple que le premier, et portant en cent endroits et pays divers le témoi-gnage de son goût et de sa hardiesse. Et maintenant, il me semble de nouveau que je cause avec lui, et qu’avec son beau rire de joie, il me fait comprendre que la mission de certains hommes est de rassembler à pleines bras-ées les belles choses ou les belles idées pour les plus abondamment répandre, et que si leur destinée est de passer trop vite pour ceux qui les aimèrent, leur privi-lège est d’en laisser un souvenir plus vif et plus lumineux, Beaucoup de gens .ont connu Hoentschel, car on le voyait un instant partout où se manifestent le plus intensément, à Paris, l’art, l’invention, la vie raffinée et ardente. Un plus grand nombre encore croient l’avoir connu, Un très petit groupe d’esprits fraternels ont su ce qu’il était véritablement et combien il méritait d’être aimé. Carriès fut un des pre-PERRONNEAU. – PORTRAIT D’ENFANT. – PASTEL. miers en date, Maurice (ANCIENNE COLLECTION DOUCET.) Lobre, Karbowski, Léopold Stevens, le journaliste Auguste Arnault, Robert de Montesquiou, et aussi un peu celui qui remue ici ces souvenirs sont de cette petite phalange. Il faut ajouter encore ses vieux et fidèles amis Ternisien, et Jean de Tinan, aujourd’hui disparu à son tour. En dehors de cela, Hœntschel avait des relations innombrables, puis sa vie intime et les êtres chers pour qui se réservait exclusivement sa tendresse avec une effusion telle que si on ne l’avait pas vu si plein d’entrain, si actif, o 3 PIND ART DOC