LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXÉ 29 Un bel après-midi d’été, Drian s’est installé dans le parc de Versailles. • Un carton à dessin, une feuille, un crayon. Peut-être pensez-vous que cet artiste choyé de la mode s’est mis à croquer des promeneuses. Le soupçonnez-vous de laisser sa main esquisser nonchalam-ment sur le papier, les silhouettes que son imagination lui évoque ? Venez avec moi vous pencher par dessus l’épaule du travailleur crépu. Mais, auparavant, arrêtons-nous un instant pour l’observer à la dérobée. Voyez cette forte tête, ennemie du cha-peau, ce cou solide, ce front large… Observez cette tension de otute la phy-sionomie vers le palais où se disputent, sur le clavier que forment les hautes fenêtres, les longues mains de la lumière et de l’ombre. Cet homme a l’aspect orbuste d’un constructeur. Jetez un coup d’oeil sur l’ébauche, à présent. Je conçois votre surprise. Vous avez devant vous un dessin d’architecture, où la sécurité d’un maitre d’autrefois le dispute à la précision, à la légèreté d’un graveur d’arabesques. Le Piranèse devenu, d’athlète, équilibriste. La série des Versailles de Drian demeure d’une grande pureté linéaire. L’absence de toute morbidesse emprun-tée aux violons du crépuscule et de l’au-tomne par des dilettantes que ne décou-rage point l’ouvrage tombé dans la ba-nalité et le domaine public, leur donner l’aspect de la nouveauté. Certains artis-tes ne craignent point de prendre un Stradivarius pour y gratter un refrain de beuglant. Sur le noble instrument qu’est le vieux Versailles, Drian n’a joué que des airs ayant la pureté de la musique de Mozart ou de Rameau. Quelques degrés de marbre, un couron-nement de balustres, reconstituent tout l’escalier et le portique ; un profil de façade surmonté de sa large corniche, semble une parte forme préparée pour que les dieux de l’Olympe y prennent leur élan vers le soleil. L’ensemble de ces dessins dépouillés de toute « littérature » devien-dra l’un des documents les plus distingués et les plus précis qui aient été tracés à notre époque, où l’amour du snob pour Versailles fut extrême. La mauvaise saison venue. Drian réintégra son ate-lier. Les visions de Versailles gardées par sa mémoire, créaient aux personnages que son imagination lui suggé-rait de fastueux décors. Des scènes encore vaguement indiquées, s’ébauchaient aux feux scintillants des giran-doles avec toute l’existence mythologique des plafonds de Lebrun, les Renommées des corniches, mêlées aux êtres vivants rassemblés sur le miroitement (les par-PIZEI.%IzA I ION (COLLECTION A. F. M.). guets. Un livre qui l’avait enchanté enfant, se trouve sur une table. C’était les Contes de Perrault. Et voici la genèse d’une nouvelle incarnation de notre jeune protée, qui s’improvise illustrateur, et passe maitre d’em-blée. Que dire de La Belle au Bois Dormant, des sor-cières et des fées évoluant en longs habits brodés sous les regards dorés des satellites du Grand Roi. Tantôt, c’est la Cour de Marbre, tantôt la Galerie des Glaces qui servent de fond à la scène ; tantôt le Salon de la Paix, tantôt le fond du parc. Toujours, quelque coin précis (le Versailles revient, comme le leit-motiv dans l’Opéra, harmoniser la composition, la relier aux précédentes. Aucune préoccupation de pastiche ne diminue la valeur artistique (le ces improvisations, qui ne cherchent pas non plus à outrer leur modernisme. Le volume un jour sera remarquable. Mais, devant un talent sensible et un tempérament FIND ART DOC