26 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE écharpes de tulle s’allongèrent sur les trames, s’enrou-lèrent autour des cols ornés d’un tour de lourdes perles. Son influence, avec le recul déjà survenu, le montre donnant aux mouvements plus (le grâce, au corps tin plus facile abandon; il est un des premiers, je suppose qu’il est le premier, qui s’avisa de rompre la rigidité du corset .qui guindait la taille. Il est aussi celui qui incite les femmes à aimer le noir, à paraître au bal en de longues robes (le satin qu’une ampléfraine prolonge sur le miroir (les parquets. Les blondes resplendissent hors de cette tige sombre. Mais, à notre époque essentiellement démocrati-que, la mode ne saurait de-meurer stationnaire une saison. Les magasins, dits de nouveautés, s’emparent de ce qui sort de chez les grands couturiers, et le pastichent, le monnoient avec une incroyable, si-miesque et affolante faci-lité. Pour n’être point sin-gée par la midinette, l’élé-gante doit évoluer sans répit. Drian fut recherché, on pourrait dire qu’il fut pourchassé, par les maga-sins qui lui demandèrent des couvertures pour leurs catalogues. Les journaux illustrés qui se consacrent à la femme s’arrachaient ses improvisations et va-riations sur les mêmes airs… Mais on vit, — devant la foule avide des admira-tions, devant les couturiers agitant des billets bleus, devant tout ce qui tient à la confection, à la non. veauté, à l’élégance et qui met de la grâce aux diners de la Cinquième Avenue, comme aux thés (le Re-gent’s Park ou Hyde Park, aux après-midi de Rome, aux soirs des cinq parties du monde où il y a des smokings, des musiciens de nuit, du champagne dan› les verres et, dans l’embra sure d’une haute fenêtre drapée, une étoile d’argent dans l’éther, — on vit le jeune faune malicieux et sensuel faire un grand sa-lut, un pied (le nez, une pirouette et fausser compa-gnie à la plus brillante so-ciété de la planète. Drian ne voulut plus être l’esclave de cette mode éblouissante et infidèle dont il avait été le Chérubin et le Lauzun. Il ne mit point de conditions, ni de nuances à sa rupture. Il brisa net. Il fit comme l’amant qui se marie sans vouloir regarder en arrière et sut réaliser ce que les grandes comédiennes n’ont jamais pu réussir : disparaître de scène à l’instant opportun, à la minute de l’apogée. 1’1 ISII ••:( It (11..IN-11 I I •*0 Aujourd’hui, je viens de voir Etienne Drian dans son atelier. Les dessins de mode, les improvisations de modèles destinées à quelque maison de la rue (le la Paix, ne t rainent plus sur les meu-bles comme jadis. Mais un travail d’autant plus in-tense se révèle dès la pre-mière pièce où sont dépliés plusieurs paravents récem-ment exécutés par le jeune artiste. L’un représente (les toits, une vue (le Paris, d’un balcon; l’autre, un coin de terrasse devant une habitation de campagne. Il faut se reporter au temps de Clara d’Ellébeuse. Une nature morte élégamment désordonnée nous montre l’ombrelle et le chapeau d’une jeune dame au Se-cond Empire. Table et chaise même portent le ca-chet du temps. A chaque extrémité, un volet vert, forme en quelque sorte bordure à ce tableau de six feuilles, se pliant et se dé-pliant, et dont l’originalité est si particulière, le goût charmant. Dans le second atelier, autre paravent… Les qua-lités d’Etienne Drian s’a-daptent avec un rare bon-heur à cette forme déco-rative dont les peintres modernes ont rarement usé. Il semble attiré par la difficulté même de dérou-ler sur la succession (le ces pages une scène qui ne soit pas trop morcelé, d’une interprétat ion suffisam-ment libre et d’une exécu-tion architecturale, adaptée au cadre qui lui est assi-gné. Cependant, il sait la peindre avec une dé FIND ART DOC