24 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE L’ÉVOLUTION D’UN CRÉATEUR DE LA MODE •44 ETIENNE DRIAN PORTRAIT DES PETITS G. (l’OINTE SÈCHE). UN peintre qui n’a rien appris à l’école, qui fit soi-même son instruction et, pareil à ce que nous imaginons des jeunes dieux élevés au sein d la nature par les Grâces, les souriantes et divines figures de la mythologie, fût chaque soir plus formé par la fréquentation des êtres et des choses, l’insensible et sûre pénétration des saisons, des mois et des jours. Tout ce qui l’attirait et qu’il aima, son labeur nous le fit connaitre. D’abord, il se laisse charmer par ce qu’il y a de plus fugitif dans le monde moderne, de plus impondérable, de plus gracieux comme aussi (le plus décevant, de plus parfaitement, c’est-à-dire de plus exagérément et de plus strictement de Paris : la Mode. Il aima la Parisienne, ses chiffons, ses plumes, ses taffe-tas cassants, ses lumineux satins, sa mousseline de soie; il aima le volant et la fanfreluche, le ruban, le haut talon ; il aima l’ombrelle ouverte devant la brû-lante averse du soleil comme un bouclier de pétales au-dessus d’une rose vive. Il aima tout ce qui entoure la femme, d’un amour passionné. Il a ce « chic », ce « pchut », ce « vlan o délicat et frénétique, ce rien, ce moins que rien, si difficile à réaliser, qui fait s’évanouir d’aise, devant une « créa-tion » de la rue de la Paix, la brune beauté nonchalante de Montevideo ou de Caracas. Il dépassa bientôt ces modes dont le parfum l’enivrait et devint le créateur de ce qui s’imaginait, se conspirait d’innovation, s’improvisait dans ces ruches frémissantes qui environnent l’Opéra et que font éclore sans répit les premières douceurs argentées (l’avril et la chute pré-coce des feuilles aux maronniers poussés dans l’asphalte. Pendant dix ans, Driant fut au centre du jardin de la mode, ce faune narquois, à l’oeil malicieux et sensuel qui fait danser aux sons de sa flûte de roseaux, les corybantes, les bacchantes et les nymphes. Par lui, les robes s’amplifièrent, se raccourcirent, s’allongèrent de nouveau, les manches s’élargirent ou collèrent à la chair, M11′ CÉCILE SOREL, SOCIÉTAIRE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE. les corsages furent échancrés en pointe, ouverts .en rond ; les tètes se couvrirent de plumes et de fleurs, FIN AR DO