LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 9 – L Ni; tel) I Ist■ui.. (1∎Eivil ■ INGRES CHEZ DEGAS IL y a une vingtaine d’années, Degas fit le pèlerinage de Montauban : il allait saluer le divin maître, chez lui, parmi les cinq mille dessins légués à sa ville natale par Jean-Auguste-Dominique Ingres. Il était accompagné du grand statuaire Bartholomé. C’étaient deux pèlerins passionnés. Ils passèrent plusieurs journées au milieu des reliques ingristes. Degas garda le souvenir le plus profond du séjour de Montauban. Ingres était son dieu. Pour un peu il eût été sa chose. Il avait en horreur les écrivains d’art et il lui paraissait qu’expliquer les maîtres, c’était les trahir. Le seul moyen pourtant de les faire connaître et de répandre leur enseignement, n’est-ce pas de donner à leur oeuvre la publicité la plus large ? Pour Ingres, spéciale-ment, Degas s’offrait : « Si quelqu’un doit jamais publier les dessins de Montauban, disait-il, je suis là. » Il est grand dommage que Degas n’ait pas donné suite à ce projet, dont la municipalité de Montauban fut saisie par lui-même ; Degas commentant les dessins d’Ingres, la plume à la main, c’eût été un régal de choix. L’honneur m’échut de révéler à ceux qui les igno-raient les dessins de Montauban. Lorsque l’exposition des six cents photographies au charbon eut lieu chez Bulloz (0, je priai Degas de venir. Il bouda, il bouda long-temps. j’insistai auprès de son ami Bartholomé qui me répondit : (I) 21, rue Bonaparte. « L’ingriste, compagnon des voyages à Montauban, voudra-t-il aller rue Bonaparte ? « Ira-t-il à la messe dans ce quartier ? Si près de l’Ecole des Beaux-Arts I » Je ne sais pas si Degas vint offrir ses dévotions à Ingres, en ce printemps de igoi, « si près de l’Ecole des Beaux-Arts ». Mais ce que je sais bien, c’est que dix ans plus tard, exactement, en 1911, lorsque, poursuivant ma fervente propagande ingriste, j’organisai aux Galeries Georges Petit l’Exposition Ingres, le visiteur le plus obstiné ce fut Degas. Il était déjà bien vieux et sa vue allait baissant de jour en jour. Qu’importait à Degas le haut escalier à gravir et qu’importait qu’il ne vit pour ainsi dire rien — ou presque — des œuvres exposées : il il venait là, chaque matin, il arrivait souvent le premier et il restait le plus longtemps possible, ne disant pas un mot, surtout ne faisant pas de mots.. Rien n’était plus émouvant que cette présence constante dans le sanctuaire du zélateur ingriste, fermement fidèle jusqu’au bout à la grande admiration de toute sa vie. Un jour, Degas voulut bien me demander de lui nommer les tableaux exposés et les dessins les plus importants. Il fit le tour des deux salles, un peu nerveux. Je me gardais de tout commentaire, par peur de lui déplaire. Il ne parlait pas. Pourtant, devant la Naissance des Muses, j’entendis ceci, proclamé par le peintre si moderne des Danseuses : — « C’est de l’ambroisie. » FIND ART DOC,